L’Action française

17 juin 1922

 

Anonyme

 

Une théorie du dadaïsme

 

Voici un petit livre extrêmement significatif. Sage, c'est une autre affaire. Il ne l'est point, et s’il y a quelque chose à quoi nous soyons résolus à nous opposer de toutes nos forces, c'est aux tendances qu'il érige en système, M. de Massot a du moins un mérite : il est clairvoyant, il sait ce qu'il veut. Nous voulons le contraire, voilà tout.

C'est une histoire, non pas de la poésie contemporaine, mais d'un des courants de la poésie contemporaine : celui qui, parti de certaines œuvres de Mallarmé, et en particulier d'Un coup de dé, aboutit, plus ou moins logiquement, à Dada. Belle occasion, pour M. de Massot, d'étudier Apollinaire, MM. Max Jacob, Jean Cocteau, Picabia, comme aussi, en passant, le cubisme et la musique de M. Éric Satie ; et combien d'autres !

Ils lui sont l'occasion de remarques dont quelques-unes témoignent d'un goût assez délicat. Goût qui n'est assurément, ni sur, ni grand. Je ne donne pas M. de Massot pour un guide en qui l'on puisse avoir confiance. Il met son plaisir à placer surabondamment son indifférence à la haute poésie. M. Paul Claudel, M. Paul Valéry sont traités par lui avec une inintelligence absolue. M. Gide lui-même est assez vivement écorché. Quoi, M. Gide qui a toujours témoigné tant d'indulgence pour les plus folles audaces des jeunes gens ? Lui-même. Voilà bien ce que l’on gagne à mettre tant de soin à être toujours à la page. Avouerai-je que malgré le talent de M. Gide, qui est l'un des premiers écrivains de ce temps, et que nous appellerions plus volontiers un maître si son enseignement n'était haïssable et proprement diabolique, cette ingratitude noire me semble d'une ironie salutaire et parfaitement équitable dans son iniquité ? Je serai franc : cette injustice me réjouit. Peut-être fera-t-elle entrevoir à quelques esprits qu’il est vain de courir sans cesse après l'avenir pour n'en être point dépassé et qu'il n'est de salut qu'auprès de quelques principes immuables que les siècles successifs sont bien contraints de reconnaître, après avoir plus ou moins longtemps erré, si toutefois ils veulent vivre.