Revue de Bourgogne

15 juillet 1922

 

André Michel

 

André Gide et le culte de l’instantané (1)

 

Il faut reconnaître et aimer en André Gide un très grand écrivain. Si, comme le pense notre maître Anatole France, la tradition du beau parler et du bien écrire est en décadence irrémédiable depuis un siècle, c'est une raison encore de louer un style, non point nombreux certes, mais infiniment pur, élégant et lucide. De cette phrase si mesurée, si claire, si aisée, l'incomparable facilité nous enchante : facilité qui n’est pas lâcheté d'une plume trop féconde, mais parfaite maîtrise d'un écrivain qui sait sa langue et en possède tous les moyens. On y pourrait, sans doute, à l'analyse, relever des procédés et discerner des artifices : coquetteries voulues, élégances recherchées, incertitudes précieuses, une construction contournée où la syntaxe et la grammaire ne trouvent pas toujours leur compte. (2) Peu importe. Trop de pages émouvantes enchantent notre souvenir pour que l'admiration ne doive pas ici céder le pas à la critique, pour que l'admiration ne soit pas d'abord le moyen de nous imprégner de ce charme sans égal. Dans la discussion des idées, comme dans l'évocation des paysages, on retrouve toujours la même fluidité heureuse, la même simplicité élégante, le même dédain de l'emphase comme aussi de la sécheresse, bref l'aérienne légèreté d'une langue qui se ploie, onduleuse et souple, aux moindres nuances de la pensée. Dans la discussion, Gide ne s'attarde pas aux infinis méandres d'une dialectique trop savante ; il prétend moins à persuader qu'à déterminer ce léger ébranlement intellectuel à partir duquel le mouvement de l'intelligence critique provoquera la dissolution des systèmes antérieurement admis et préparera les éléments des synthèses nouvelles. Dans la description, il ne nous accable pas sous le poids des détails matériels ; il évoque bien plus qu'il ne décrit. Si l'on osait reprendre cette formule tant prostituée, on dirait que pour lui un paysage est un état d'âme. Entendez par là que, de l'afflux des sensations qui lui viennent de l'extérieur, son moi ne se désintéresse pas pour les envisager comme une matière qu'il aurait à peindre, cependant qu'elle lui resterait étrangère, mais qu'il s'en empare pour s'en enrichir et la transformer, si bien que du sujet qui contemple à l'objet qui est contemplé une relation singulière s'établit, le moi se tendant de toutes ses forces vers le monde extérieur pour se l'annexer et le posséder, et projetant en même temps quelque chose de sa personnalité sur l'univers qu'ainsi il humanise. Toutes les descriptions de Gide sont telles : l'apparence des choses n'y est jamais sacrifiée à la résonance intérieure que leur contemplation déclenche en lui, l'une et l'autre se mêlant intimement pour hausser la nature jusqu'à l'homme et l'accorder à ses émotions. On s'en rendra compte en lisant au livre I des Nourritures terrestres (3), le chapitre des Attentes où l'on voit la terre desséchée se tendre dans un unique effort vers l'eau qu'elle appelle et qui ne vient pas. On s'en persuadera mieux encore en lisant dans les Prétextes (4) l'évocation de la Provence, « terre sans mollesse, terre presque latine, de rire grave, de poésie lucide, de belle sévérité », où, dans la dureté du roc, l’âme antique reste fixée — et par opposition l'évocation de la Normandie plantureuse et molle où les ornes se détendent dans le bien-être, galvanisées par le seul appel du gain, dédaignant de poursuivre les biens spirituels les plus précieux et les plus rares — terres différentes dont la lente et séculaire influence a modelé l'âme de Gide, « né à Paris d'un père uzétien et d'une mère normande (5) ». Toutes ces pages et tant d'autres sont d'un art très délicat, nuancé et sobre qui suggère plus qu'il n'exprime, qui sait dire tout l'essentiel et rien que l'essentiel sans inutile débauche verbale (ce luxe barbare est un des traits et une des tares du romantisme), en subordonnant étroitement le mot à la pensée qu'il veut rendre ; et Gide est à coup sûr un des meilleurs représentants de la tradition classique, en France, si, comme il le dit fort justement lui-même, « le classicisme — et par là j'entends le classicisme français — tend tout entier vers la litote. C'est l'art d'exprimer le plus en disant le moins. C'est un art de pudeur et de modestie (6). »

 

Mais André Gide est-il mieux encore qu'un écrivain classique, je veux dire un individu classique ? Si le classicisme, dans ce qu'il a d'humainement essentiel exprime, ainsi que j'ai tenté de l'établir à propos de Maurras, une discipline de la sensibilité capable d'unifier l'être autour de certaines tendances, de certaines passions maîtresses qui se subordonnent, dans une vivante hiérarchie, toutes les autres tendances, toutes les autres passions ; si le classicisme est la victoire durable de l'individu maître de soi sur les démons intérieurs que nous sentons tous au plus profond de nous-mêmes, et que le romantisme libère en les exaltant ; si, en d'autres termes, l'éternel problème que pose le classicisme est celui qui consiste à rechercher comment se peuvent établir une discipline immanente à notre sensibilité, un ordre qui ne lui soit point extérieur parce qu'elle en renverserait les fragiles barrières, mais une discipline et un ordre qui mettent en valeur ses puissances profondes, peut-on dire alors qu’André Gide est un classique ? Il accepte comme légitime la position du problème que nous adoptons ici, et il montre avec beaucoup de lucidité que classicisme signifie non point sécheresse et pauvreté, mais subordination des tendances que nous considérons comme inférieures en dignité humaine au profit de celles que nous posons comme supérieures — non point ignorance des troubles puissances et des obscures virtualités de l'âme, mais triomphe de l'ordre sur le romantisme intérieur. « Il importe de considérer, écrit-il, que la lutte entre classicisme et romantisme existe aussi bien à l'intérieur de chaque esprit. Et c'est de cette lutte même que doit naître l'œuvre ; l'œuvre d'art classique raconte le triomphe de l’ordre et de la mesure sur le romantisme intérieur. L'œuvre est d'autant plus belle que la chose soumise était d'abord plus révoltée. Si la matière est soumise par avance, l'œuvre est froide et sans intérêt. Le véritable classicisme ne comporte rien de restrictif ni de suppressif ; il n'est point tant conservateur que créateur : il se détourne de l’archaïsme et se refuse à croire que tout a déjà été dit. » (7)

Si la position du problème est nette, sa solution l'est beaucoup moins. Et dès que échappant au charme d’André Gide, on essaie de le définir, les difficultés s'amassent. Peut-être d'ailleurs est-il vain de vouloir saisir, dans une définition qui l'épuise, ce libre esprit dont tout l'effort tend à se rendre insaisissable ; de prétendre enfermer dans une formule l'homme soucieux de se délivrer des chaînes pesantes de la logique et dont la cohérence avec lui-même est bien la moindre qualité. Comment le définir alors qu'il est impatient de toutes limites ? Et comment espérer le surprendre dans quelques attitudes à peu près constantes quand on le sait désireux de se toujours renouveler ?

Récemment, Henri Massis s'est attaché à cette définition d'André Gide, dans un article de la Revue Universelle (15 novembre 1921). Au cours d'un éreintement systématique où, du reste, la vigueur ne manque pas, il a discerné dans André Gide un écrivain démoniaque animé d'une volonté mauvaise de perdre les âmes ; un explorateur curieux des basses régions psychologiques où s'amassent les troubles instincts dont est constitué le fond insoumis et pervers de la nature humaine ; un écrivain au charme inquiétant, avide d'influence mais d'influence malsaine, semant le trouble dans les cœurs, poussant les autres hommes au risque des expériences scabreuses qu'il aimerait tenter, mais qui lui répugnent en ce sens qu'elles limiteraient par ce qu'il ferait ce qu'il pourrait faire. — Il faut être bien sûr de soi pour discerner chez un écrivain de telles tendances et tellement inavouables. Le catholicisme récent d'Henri Massis est sévère pour le satanisme d'André Gide ; et ce confesseur laïc qui accouche les esprits de leurs secrètes tendances manie facilement l'anathème au risque de manquer de charité chrétienne. Il y a plus grave encore : ce critique se laisse surprendre en flagrant délit d'insuffisante perspicacité psychologique, encore qu'il prétende mettre à nu les secrets ressorts de la pensée de Gide. Car l'examen impartial de l'œuvre ne justifie pas les inductions que Massis a cru pouvoir en tirer. Et d'abord convient-il d’accepter comme établissant la perversité gidienne le passage des Caves du Vatican où Lafcadio Wluiki jette par la portière de son compartiment ce pauvre Amédée Fleurissoire, pour le simple plaisir de se prouver qu’il est capable d'exécuter une décision après avoir compté jusqu'à 10 ? N'oublions pas que les Caves du Vatican sont une sotie, c'est à dire un récit fantastique où d'utiles vérités se mêlent sans doute à d'étranges imaginations, où la fantaisie en tout cas règne en maîtresse souveraine ? Et d'autre part Massis n'attache-t-il pas trop d'importance littérale à la fameuse boutade de Gide prétendant que Les Déracinés de Barrès se ramènent à l'illustration de cette thèse : le déracinement contraignant Racadot à l'assassinat, donc à l’originalité ? Enfin il existe contre la thèse de Massis une objection plus grave encore. On ne voit pas que Gide soit poursuivi par la hantise d'une influence à exercer, d’une direction à imposer aux esprits. « Éduquer ? s’écrie-t-il — qui donc éduquerais-je que moi-même ? Je me suis interminablement éduqué. Je continue. Je ne m’estime jamais que dans ce que je pourrais faire (8). » C’est que pour cet esprit qui répugne à toute servitude, chaque individu définit pour soi-même sa propre vérité, celle dont il a besoin parce qu'elle donnera satisfaction aux tendances vraiment profondes et durables de son être. Dans cet effort de définition de nos nécessités propres, comme dans la recherche du système de vérité adéquat à notre être, d’autres que nous peuvent nous aider à prendre conscience de nous-mêmes, et ce sera l'œuvre de ces écrivains troublants qui nous contraignent à la réflexion en critiquant les épaisses certitudes où nous n'avons que trop tendance à nous fixer. Mais personne ne saurait se substituer à nous dans ce travail qui intéresse tout notre être. « Nathanaël, jette mon livre : ne t'y satisfais point. Ne crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre ; plus que de tout aie honte de cela. Jette mon livre. Dis-toi bien que ce n'est là qu'une des mille postures possibles en face de la vie. Cherche la tienne... Ne t'attache en toi qu'à ce que tu sens qui n'est nulle part ailleurs qu'en toi-même, et crée de toi, impatiemment ou patiemment, ah ! le plus irremplaçable des êtres. » (9) Ces réserves faites, il faut reconnaître que le principal mérite de l'essai d'Henri Massis est de nous prouver qu'il n'est pas facile de saisir dans ses traits essentiels la multiple et diverse figure d'André Gide. Car les contrastes sinon les contradictions abondent dans son œuvre. Il est, à la libre manière de Jules Lemaître, un critique impressionniste, le moins systématique qui se puisse imaginer, nous donnant rarement, autre chose que son impression passagère sans se considérer jamais comme lié par ses jugements antérieurs, mais d'un goût si fin et si sûr qu'on lui pardonne volontiers ses incertitudes, pénétrant parfois et alors d'intelligence éminemment lucide. C'est ainsi qu'il a parfaitement compris le sens de l'optimisme nietzschéen persistant dans une existence qui connut la plupart des tourments par où une philosophie pathétique aurait pu se trouver fondée à conclure au pessimisme radical, l'optimisme foncier de ce Nietzsche acceptant joyeusement la vie féconde et cruelle dans les moments même où elle l'accable et affirmant passionnément devant la douleur et la mort son orgueilleux consentement à la vie. Et dans le même temps (ses pages sur Nietzsche sont de 1898) (10) il publie ce Prométhée mal enchaîné (dont les morceaux choisis nous restituent heureusement quelques fragments), où l'on voit Prométhée accompagné de son aigle discourir en réunion publique et maintenir l'attention de la foule en distribuant à ses auditeurs des photographies obscènes et des cartes postales libidineuses. L'Immoraliste nous fait assister au tragique spectacle d'un intellectuel revenant à la santé, restaurant en lui, en même temps qu’une physiologie intacte, le sens des énergies cruelles et sacrifiant à son humeur vagabonde la femme dont le dévouement l'a sauvé de la mort. Et les Caves du Vatican nous content avec une verve débordante l'odyssée d'Amédée Fleurissoire partant à Rome pour délivrer le pape, prisonnier des Jésuites et des Francs-maçons, trouvant la mort au cours de sa croisade parce que, pendant un voyage à Naples, son physique choque l'esthétique de Lafcadio Wluiki, fils naturel de feu le comte Juste Agénor de Baraglioul, ambassadeur de France, et de la belle et facile Wanda, — tout cela présenté avec une fantaisie éblouissante, un sens de la bouffonnerie intense des hommes et des choses, un entrecroisement d'épisodes et d'événements qui font de cette délicieuse sotie un incomparable roman d'aventures. La Porte Étroite nous dit les angoisses d'une conscience de femme formée à la hantise du péché par les méthodes d'analyse intérieure, pénétrée d'esprit protestant au point de se défendre contre tout mouvement spontané de son cœur pour atteindre au plus haut mérite par la plus constante contrainte de soi et renonçant à l'amour par scrupule religieux, — cependant que les Nourritures Terrestres chantent sur un rythme dionysiaque une des plus magnifiques et des plus troublantes incantations à la vie païenne que nous ayons entendues, l'appel aux instincts primitifs et aux puissances élémentaires de l'être humain, le débordant amour de la nature et la joie panique de posséder l'univers.

Comment donc, parmi tant de contrastes, se représenter l'œuvre d'André Gide ? Ici, où l'on ne se soucie de rien autre chose que de comprendre, on essaiera par l'analyse du dilettantisme de Gide de se placera un point de vue assez central pour obtenir de cette pensée une vue qui nous la rende intelligible sans la déformer. Nulle part mieux que dans les Nourritures Terrestres ce dilettantisme n'a trouvé son expression complète. Raison de plus pour s'arrêter à la méditation de ce livre où circule tant d'émotion chaude et trouble.

 

Le dilettantisme est une attitude très subtile qui consiste à se prêter à tout, sans jamais se donner à rien, à sympathiser avec toutes les formes de vie, sans jamais se donner à aucune, pour être et demeurer libre d'abord, pour s'enrichir ensuite de toutes les expériences humaines qu'il nous plaira d'instituer. « La nécessité de l'option me fut toujours intolérable ; choisir m’apparaissait non pas tant élire que repousser ce que je n'élisais pas. Je comprenais épouvantablement l'étroitesse des heures, et que le temps n'a qu'une dimension ; c'était une ligne que j'eusse souhaitée spacieuse, et mes désirs en y courant empiétaient nécessairement l'un sur l'autre. Je ne faisais jamais que ceci ou que cela. Si je faisais ceci, cela m'en devenait aussitôt regrettable, et je restais souvent sans plus oser rien faire, éperdument et comme les bras toujours ouverts, de peur, si je les refermais pour la prise, de n'avoir saisi qu'une chose... De là me vint d'ailleurs un peu de cette aversion pour n'importe quelle possession sur la terre, la peur de n'aussitôt plus posséder que cela. » (11) C'est au nom de cette universelle sympathie et de cet universel détachement que le dilettante rejette les passions violentes, l'attachement exclusif aux idées, la pesante fidélité à soi-même et aux autres, bref tout ce qui, fixant l'homme, lui ravit quelque chose de sa divine liberté — « Je haïssais les foyers, les familles, tous lieux où l'homme pense trouver un repos — et les affections continues et les fidélités amoureuses, et les attachements aux idées, tout ce qui compromet la justice ; je disais que chaque nouveauté doit toujours nous trouver tout entiers disponibles. » (12) Et encore : « Certains m'accusèrent d'égoïsme ; je les accusai de sottise. J'avais la prétention de n'aimer point quelqu'un, homme ou femme, mais bien l'amitié, l'affection ou l'amour. En me donnant à l'un, je n'eusse pas voulu l'enlever à quelque autre, et ne faisais que me prêter. Pas plus que je ne voulais accaparer les corps ou le cœur d'aucun autre ; nomade ici comme envers la nature, je ne m'arrêtais nulle part. Toute préférence me semblait injustice ; voulant rester à tous, je ne me donnais pas à quelqu'un. » (13) Et c'est pourquoi le dilettante écarte les attitudes tranchées, les parti-pris définitifs qui sont susceptibles d'engager l'homme dans une voie unique d'où il ne se croit plus permis de sortir. Il préfère cultiver les possibilités latentes, les virtualités indéfinies, les richesses inexploitées de l'âme humaine, soucieux de ne la point mutiler, mais au contraire de la développer dans tous les sens possibles, à proportion de sa force intime. S'il consent de goûter en passant l'acre volupté des sectaires passionnés qui entendent créer l'avenir en le modelant sur leurs propres conceptions, c'est pour se rendre compte que, s'il est aimable, ainsi que l'écrit Barrès dans cette prestigieuse consolation de Sénèque le Philosophe à Lazare le Ressuscité, de faire de l'ironie à la cour de Néron, il n'est pas négligeable non plus de partir en Gaule pour y être fanatique et y prendre pari au mouvement religieux des esprits. Mais à l'action comme à l'amour, on ne fera jamais que se prêter en se reversant la liberté d'abandonner cela même que l'on aura aimé, de trahir cela même pourquoi l'on aura combattu. Car l'action a ses exigences propres et ses nécessités inéluctables ; dès qu'on s'y engage résolument, on est pris tout entier ; elle nous impose de prendre parti ; elle arrête les oscillations indéfinies d'une pensée qui se comptait dans l'incertitude. Et c'est à ce titre sans doute qu'André Gide l'a résolument écartée de sa vie. Dans cette curieuse conversation avec un Allemand que nous a donnée la Nouvelle Revue française d'août 1919, il écrit : « Non, dis-je enfin, désireux de bien prendre position, l'action ne m'intéresse point tant par les sensations qu'elle me donne que par ses suites, son retentissement. Voilà pourquoi, si elle m'intéresse passionnément, je crois qu'elle m'intéresse davantage encore commise par un autre. J'ai peur, comprenez-vous, de m'y compromettre. Je veux dire : de limiter par ce que je fais ce que je pourrais faire. De penser que, parce que j'ai dit ceci, je ne pourrai plus faire cela, voilà qui me devient intolérable. J'aime mieux faire agir que d'agir. » (14) Il a mieux aimé faire agir que d'agir, curieux d'étudier chez autrui les résonances lointaines de l'acte accompli plutôt que de les écouter en lui-même. Bienheureuse ataraxie et voluptueuse paresse du rêveur universel ! Dans le calme des méditations qui ne tirent pas à conséquence, comme disait ou à peu près le vieux Renan, elles permettent de sympathiser avec le renoncement chrétien d'Alissa, mais encore de s'abandonner aux incantations de Nathanaël, et de garder cependant assez d'imagination fraîche et pure pour goûter le trouble délicat d'une âme hésitant devant l'amour.

D'autres pourtant ont été dilettantes d'une manière que Gide ignore et singulièrement Barrès qui, dans le même temps qu'il achevait les romans idéologiques du culte du Moi, se faisait élire député boulangiste de Nancy. Car si l'égoïsme sensuel qui garde tout pour soi est le dernier mot d'un passé dont on jouit au risque de l'épuiser, le fanatisme constructeur est le premier mot d'un avenir qui s'ébauche. N'est-il pas tentant dès lors de prononcer successivement l'une et l'autre de ces paroles sans s’arrêter définitivement à aucune ? Pourquoi s’appauvrir en se privant des joies de l'action constructive, à condition bien entendu de ne pas s'engager dans la direction où l'on ne veut pas aller, dans le sens d'une concentration de toutes les forces du moi vers un but qu'il s'agirait d'atteindre, et dont on proclamerait l’éminente dignité et l'éminente valeur, par cela seul que l'on se tendrait vers lui dans un unique effort ? Illusion pesante. Duperie lamentable. Elle voudrait nous persuader que, dans l'univers, quelque chose en dehors de nous a une valeur telle que nous devons nous y dévouer. Qui nous garantit que cette hypothèse soit exacte ? Si l'univers n'est qu'illusion, pourquoi considérer l'existence avec un sérieux tragique qui ferait de nous des dupes dans le cas où se vérifierait l'idée de l'universelle illusion ? Pourquoi ne pas considérer la vie comme un jeu magnifique que nous nous donnons, comme un spectacle où nous sommes tout ensemble et indissolublement acteur et spectateur ? Jeu dont s'enivre celui qui sait cultiver son moi pour en tirer les harmonies les plus subtiles et les plus rares — jeu d'autant plus enivrant que ce moi sera de formation plus complexe et plus diverse, qu'il sera capable de goûter divers genres de beauté, d'être par l'histoire de tous les temps et de toutes les races, de dominer par la philosophie l'éternelle lutte et l'écroulement éternel des systèmes, de s'élever par l'art jusqu'à l'intuition de la beauté éparse dans les choses. Mais comprendre ne suffit pas : l'intelligence est encore quelque chose d'extérieur à notre personnalité profonde, en ce sens que, nous étant commune avec les autres hommes, elle nous situe sur le plan de l'universel et qu'elle prétend saisir les choses d'une manière qui soit susceptible d'être universalisée. Notre affectivité au contraire est l'asile inviolable où jamais personne ne pourra atteindre notre moi ; les modalités de notre sensibilité sont irréductiblement individuelles. Et si le fonctionnement de notre intelligence est régi par des règles logiques dont nous ne pouvons nous évader à moins de nous renoncer, qui donc pourrait nous imposer nos manières de sentir ? En cultivant sa sensibilité, le dilettante a chance de construire une individualité de prix dont il sera pleinement maître. Le désir de sentir, la soif des sensations toujours nouvelles, la volonté exaspérée de nouveauté dans l'ordre du sentiment, Gide les a chantés avec tant d'insistance, de passion, de charme et de langueur que l'on frémit au contact de cette ivresse de volupté. « Certes tout ce que j'ai rencontré de rire sur les lèvres, j'ai voulu l'embrasser ; de sang sur les joues, de larmes dans les yeux, j'ai voulu le boire ; mordre à la pulpe de tous les fruits que vers moi penchèrent les branches. A chaque auberge me saluait une faim ; devant chaque source m'attendait une soif — une soif devant chacune particulière ; et j'aurais voulu d'autres mots pour marquer mes autres désirs... J'ai porté hardiment ma main sur chaque chose et me suis cru des droits sur chaque objet de mes désirs — (et d'ailleurs ce que nous souhaitons, Nathanaël, ce n'est point tant la possession que l'amour). » (15)

— Ce désir, cette soif comment les apaisera-t-il ? Uniquement sensible au rythme de sa vie intérieure, s'y enfermera-t-il, l'intensifiant de toutes manières, précisant les possibilités indéfinies qui sommeillent en elle ? Ou au contraire, désireux de s’accroître par un apport du monde extérieur, voudra-t-il posséder l'univers et s'augmenter de toutes les richesses qu'il y pourra conquérir ? Entre ces deux attitudes, la sensibilité d'André Gide hésite, incapable de sacrifier l'une à l'autre. Animé par instants de cet instinctif panthéisme vitaliste dont il n'est pas un exemple isolé dans la littérature contemporaine, il aspire à se fondre dans la nature, à s'unir avec elle parce qu'il pressent leur identité profonde et que sa pensée individuelle s'amplifiera à la mesure de l'obscure pensée des choses. « Par ces chaudes journées, je songe à l'essor des nomades : ah! pouvoir à la fois demeurer ici, fuir ailleurs ! ah ! s'évaporer, se défaire, et qu'un souffle d'azur où je serais dissous, voyageât. » (16) Tous les termes essentiels y sont, et choisis par André Gide lui-même : s'évaporer, se défaire, se dissoudre. C'est l'anéantissement du moi conscient dans l'univers ; la distinction du moi et du non moi s'évanouit ; la possession du monde est réalisée, mais par la fusion du sujet dans l'objet. Ces moments d'extase panthéiste où l'homme s'absorbe dans l'unité de l'être sont-ils vraiment des instants privilégiés ? Cette fusion dans la vie universelle n'est-elle pas au fond volonté et volupté du néant ? Et cette volonté et cette volupté ne témoignent-elles pas, par leur intensité même, d'une diminution du pouvoir de synthèse du moi, d'un état morbide au cours duquel l'individu, cessant de se percevoir comme distinct du monde, prend conscience qu'il s'identifie à lui, à proportion même du désir qui l'étreint de s'assimiler aux choses ? Ne témoignent-elles pas d'une dépression de la volonté grâce à laquelle l'individu, affaibli et diminué dans son activité propre, ne percevant plus, comme l'individu normal, que cela seul qui est utile à son action, commence vraiment de voir les moindres nuances de cet univers dont il ne veut plus se distinguer ? C'est bien, semble-t-il, ce que nous laisse entendre Gide : « Mais de Rome le Monte Pincio, je l'ai vu dans la plus belle saison. Durant les après-midi accablantes on y venait chercher de la fraîcheur. Demeurant auprès, je m'y promenais chaque jour. J'étais malade et ne pouvais penser à rien ; la nature me pénétrait ; aidé par un trouble des nerfs, je ne sentais parfois plus à mon corps de limites ; il se continuait plus loin ; ou parfois, voluptueusement, devenant poreux comme un sucre ; je fondais. » (17) Aussi bien, plus que à la possession des choses, c'est à l'attitude de son moi devant les choses offertes et possédées qu'André Gide s'intéresse surtout. « Ne croyez pas, s'écrie-t-il, que mon bonheur soit fait à l'aide de richesses ; mon cœur sans nulle attache sur la terre est resté pauvre et je mourrai facilement. Mon bonheur est fait de ferveur. » (18) Ce qui importe donc, c'est moins la possession réelle des choses que le désir constant qui nous contraint de toujours vouloir en posséder davantage, sans qu'il nous soit jamais possible de nous arrêter à une possession déterminée, parce que le désir, dédaignant les réalisations provisoires où il peut un temps se complaire, ne s'affirme pleinement qu'en les dépassant et se nourrit, de ses possessions précaires pour y puiser l'ardeur génératrice de possessions nouvelles. « Car je te le dis en vérité, Nathanaël, chaque désir m'a plus enrichi que la possession toujours fausse de l'objet même de mon désir. » (19)

— Quand Narcisse, lassé de sa solitude, se penche sur le fleuve du temps pour y contempler le fugitif défilé des apparences, « il se penche, avec un besoin de caresse, pour étancher sa soif d'amour, sur la rivière. » (20) « Fleurs des rives, troncs d'arbres, fragments de ciel bleu reflétés, toute une suite de rapides images qui n'attendaient que lui pour être » (21) s'évanouissent. « Sur la rivière, il ne voit plus que deux lèvres au devant des siennes, qui se tendent, deux yeux, les siens, qui le regardent. Il comprend que c'est lui, — qu'il est seul — et qu'il s'éprend de son visage. » (22) Les choses existaient par cela seul que son désir les faisait naître ; elles s'évanouissent quand il veut les saisir. Et du flux éternel des frêles apparences, il ne reste rien qu'il puisse se vanter de définitivement posséder. Tout lui échappe sauf lui. Ce mythe qu'André Gide nous conte avec tant de grâce ingénieuse nous introduit profondément dans la psychologie d'un dilettantisme qui tend invinciblement au pur subjectivisme. Les choses ne sont peut-être qu'un système d'apparence, dont le jeu et la beauté enchantent le dilettante, à condition qu’il y voie exclusivement un spectacle qu'il suscite et qu'il se donne. Mais quand il veut les étreindre comme si elles étaient des réalités existant en dehors de lui, ses bras se referment sur le vide. L'illusion à laquelle il a voulu donner corps s'évanouit. Le moi reste en présence de lui-même comme en face de la seule réalité saisissable. Ainsi l'égotisme se dissimule au fond du dilettantisme. Car il est un dieu dont la fantaisie crée le monde des apparences pour en jouir ; ce dieu, c'est le moi.

Jusqu'ici, cette attitude dilettante, pour originale qu'elle ait pu paraître en 1897, s'apparente à toutes les formes connues du dilettantisme ; et aux différences de style près, on ne s'étonnerait pas de trouver dans le Jardin de Bérénice, telle page des Nourritures terrestres. Le dilettantisme de Gide pourtant a un accent profondément personnel par où il se différencie du dilettantisme barrésien ; et c'est sur quoi maintenant nous voudrions insister. L'Homme libre de Barrès ne trouvait sa liberté que dans l'asservissement à sa terre et à ses morts, aux enseignements séculaires de son histoire. Et le dilettantisme barrésien aboutissait logiquement à l'exaltation des plus strictes disciplines qui puissent enserrer l'individu, parce qu'il était essentiellement un effort de la conscience individuelle pour se saisir dans sa continuité vivante à travers le temps. Quand l'Homme libre se proposait de vivre dans l'exaltation et pour cela d'être tout ensemble, mais non pas, simultanément, clairvoyant et fiévreux, il s'assignait le double idéal de sentir avec toute l'intensité possible, puis de revenir par l'analyse sur l'émotion éprouvée pour l'amplifier par la réflexion même qu'il lui appliquait, pour discerner les conditions propres à sa restauration dans la conscience, afin d'être maître de susciter à son gré telle émotion qu'il lui plairait d'évoquer. La conscience enrichie de toutes ses expériences vécues se ramassait donc sur elle-même, se concentrait dans une unité chaque jour plus riche et plus profonde. Et c'est encore en approfondissant l'analyse des données de cette conscience, en recherchant ses origines lointaines que Barrès retrouvait sa terre et ses morts, c'est à dire dans l'acceptation des disciplines héréditaires la loi même de son développement. Tout autre est le dilettantisme de Gide, dans la mesure où il se complète par une philosophie de l'instantané. « Instants ! Tu comprendras, Myrtil, de quelle force est leur présence ! car chaque instant de notre vie est essentiellement irremplaçable ; sache parfois l'y concentrer uniquement. — Si tu voulais, si tu savais, Myrtil, en cet instant, sans plus de femme ni d'enfants, tu serais seul devant Dieu sur la terre. Mais tu te souviens d'eux et portes avec toi, comme par une peur de les perdre, tout ton passé, toutes tes amours et toutes les préoccupations de la terre. Pour moi tout mon amour m'attend à tout instant, et pour une nouvelle surprise ; je le connais toujours et ne le reconnais jamais. — Tu ne soupçonnes pas, Myrtil, toutes les formes que prend Dieu ; de trop regarder l'une et t'en éprendre, tu l'aveugles. La fixité de ton adoration me peine ; je la voudrais plus diffusée. Derrière toutes tes portes fermées, Dieu se tient... Toutes formes de Dieu sont chérissables, et tout est la forme de Dieu (23). — « Et je pris ainsi l'habitude de séparer chaque instant de ma vie pour une totalité de joie isolée, — pour y concentrer subitement toute une particularité de bonheur, tellement que je ne me reconnaissais plus dès le plus voisin souvenir. » (24) Qu'est-ce à dire sinon que la conscience, au lieu de se concentrer sur soi, se disperse en une multiplicité d'instants discontinus ? Chacun d'eux s'isole des autres pour être pleinement lui-même dans l'émotion qui l'emplit ; le souvenir du passé ne vient plus se mêler à la sensation présente pour la colorer de tout notre acquis psychologique et de toute notre expérience antérieure ; s’il se mêle à elle c’est pour lui enlever, en l’accordant à notre passé, quelque chose de sa fraîcheur première ; il convient donc de l’écarter pour jouir de la minute présente dans sa nouveauté absolue et pour l’éprouver comme telle. Voilà du moins l’idéal avoué, recherché sinon atteint que nous propose Gide : s’éveiller devant chaque sensation et chaque émotion comme si, tout notre passé aboli, elle était la première que nous éprouvions ; être devant elle parfaitement neuf et vide avec une infinie capacité de réception, comme on imagine parfois que pouvait être le premier homme au premier jour. Être esclave de soi, subir consciemment l’obsession d’anciens souvenirs, s’enchanter d’émotions déjà éprouvées, rester fidèle à de vieux rêves, c’en est déjà trop pour le dilettantisme gidien. Durer, persévérer dans son être, demeurer identique à soi-même, où d'autres voient une puissance, il éprouve une diminution du moi. Et quand il constate que la psychologie humaine s'oppose à son idéal de dispersion et de discontinuité radicales ; quand il expérimente que nous sommes les prisonniers nécessaires de tout notre passé et que « un unique passé propose un unique avenir, le projette devant nous comme un point infini sur l'espace », (25) c’est pour déplorer que l'âme humaine n'ait pas davantage de ressources de rajeunissement, et c'est pour s'attacher davantage encore à l'idéal qu'il poursuit. « Je cherche parfois dans le passé quelque groupe de souvenirs, pour m'en former enfin une histoire ; mais je m'y méconnais et ma vie en déborde. Il me semble ne vivre aussitôt que dans un toujours neuf instant. Ce que l'on appelle : se recueillir m’est une contrainte impossible ; je ne comprends plus le mot : solitude ; être seul en moi c'est n'être plus personne, je suis peuplé. D'ailleurs je ne suis chez moi que partout ; et toujours le désir m’en chasse. Le plus beau souvenir ne m'apparaît que comme une épave de bonheur. La moindre goutte d'eau, fût-ce une larme, dès qu'elle mouille ma main, me devient d'une plus précieuse réalité. » (26) De ce désir que chaque instant nous soit d'une irréductible nouveauté, de la certitude que la sensation directe vaudra toujours mieux en intense richesse que le souvenir qui tente de la restaurer, procède chez André Gide l'amour de l'aventure et du voyage qui varient nos horizons, le goût du départ vers une nouveauté obscurément pressentie ou impatiemment attendue, l'impatience de tout ce qui fixe l'homme et le modèle à son image : la contemplation des mêmes paysages, l'observation des disciplines héréditaires, la soumission aux enseignements de la terre et des morts. De là son hostilité contre la thèse des Déracinés qu'il a d'ailleurs critiquée de façon pénétrante. S'il a entendu exercer une influence, c'est pour contraindre à la plénitude de leur originalité les âmes qui sont capables de l’affirmation primordiale d'elles-mêmes. Il a voulu les libérer et donc les protéger contre les lentes et pénétrantes influences qui nous asservissent à certaines habitudes et nous fixent dans certaines attitudes. Son œuvre nous engage à nous détacher de tout pour nous mieux posséder dans l'irréductible diversité de chacun des instants de notre vie afin que, au soir de notre existence, nous puissions nous écrier comme le Nathanaël des Nourritures. « A travers indistinctement toutes choses j'ai éperdument adoré. »

 

(1) Conférence de la Revue de Bourgogne du 16 juin 1922.

(2) Cf. Saül, acte III, in fine : « David — Adieu, Saül ! plus pour toi seul désormais ton secret est intolérable ! » Éd. de la Nouvelle Revue Française, 1922, p.77. — Cf. également : « Eden où les brises mélodieuses ondulaient en courbes prévues ; où le ciel étalait l'azur sur la pelouse symétrique ; où les oiseaux étaient couleur du temps et les papillons sur les fleurs faisaient des harmonies providentielles ; où la rose était rose parce que la cétoine était verte qui venait c'est pourquoi s'y poser. » Traité du Narcisse, 1891,in le Retour de l'Enfant prodigue. Éd. « Au Sans Pareil », Paris, 1922, p.8.

(3) P.25. Je cite d'après les Ed. de la Nouvelle Revue Française, Paris, 1921.

(4) P.71 de l'Éd. du Mercure de France, Paris, 1919.

(5) Prétextes, p.51.

(6) Morceaux choisis, p.95. Ed. de la Nouvelle Revue Française, Paris, 1921. Je relève également cette déclaration capitale : « La perfection classique implique non point certes une suppression de l'individu (peu s'en faut que je ne dise : au contraire), mais la soumission de l'individu, sa subordination, et celle du mot dans la phrase, de la phrase dans la page, de la page dans l’œuvre. C'est la mise en évidence d'une hiérarchie. » (Réponse à une Enquête de la Renaissance sur le classicisme, 8 janvier 1921, reproduite pp. 452-453 des Morceaux choisis.)

(7) Réponse à une Enquête de la Renaissance sur le classicisme. Morceaux choisis, p.453.

(8) Nourritures terrestres, p.183.

(9) Ibid., pp.183-184.

(10) Cf. Prétextes, pp.166-167.

(11) Nourritures terrestres, pp. 67-68.

(12) Ibid., pp. 69-70.

(13) Ibid., p.75.

(14) Morceaux choisis, p.428. Il s'agit d'une conversation que Gide tint en 1904 à Paris avec un Allemand qui avait été emprisonné pour vol et qui, dès sa mise en liberté, éprouva le besoin de prendre le train à Cologne pour venir causer avec André Gide. Il l'entretint longuement de sa puissance de travail, de sa capacité de mensonge, c'est à dire du fond de son amour de la vie multipliée par l'imagination, de son désir de l'action intense jusqu'au meurtre. Il lui confessa qu’il avait désiré le voir après avoir lu le passage de l'Immoraliste où Moktir vole une paire de ciseaux et où Michel, feignant de ne le point voir, sourit. Enfin cet étrange Allemand quitta Gide après lui avoir demandé de lui indiquer une adresse où il pourrait trouver du henné. Il y a dans cet épisode de quoi donner matière aux critiques moralistes de la Revue Universelle de vitupérer contre le satanisme gidien.

(15) Nourritures terrestres, p.31.

(16) Morceaux choisis, p.247. Et encore : « Je m’éperds dans une désordonnée poursuite de choses fuyantes. » (Nourritures terrestres, pp.153-154.)

(17) Nourritures terrestres, pp. 58-59.

(18) Ibid., p.80.

(19) Ibid., p.15.

(20) Traité du Narcisse. Éd. « Au Sans Pareil », p.17.

(21) Ibid., p.5.

(22) Ibid., p.17.

(23) Nourritures terrestres, p.78.

(24) Ibid., p.45.

(25) Nourritures terrestres, p.19.

(26) Nourritures terrestres, p.71.