The Morning Post
[ANONYME.] August 4, 1922
Traduction : Pascal Mercier, pour Gidiana, février 2001. "Humanity on Ice" A new edition of Les Caves du Vatican is to be welcomed, since M. André Gides work has a place in modern literature, entirely apart, and it is to be hoped that Le Prométhée mal Enchaîné will also be reissued. M. Gide describes both these works as ´soties,ª and the definition of the ´sotieª is a dramatic genre, popular in the Fourteenth and Fifteenth Centuries, in which all the characters are supposed to be mad : its key-note, in a word, is the idea that the world is the kingtom of madness. The glorification of human nature is certainly not M. Gides intention. He excels in describing those little humiliating discomforts, which degrade the nobility of man. The description of poor pious Amédée Fleurissoires journey to Rome is almost Homeric in its account of battles with punaises, fleas, and mosquitoes. What traveller has not switched on the light, roused by the hideous ping of the mosquito ? Yes, the mosquito was there, sitting quietly inside the mosquito curtain at the very top. Though he was rather short-sighted, Amédée could make it out quite clearly, ridiculously thin and long, balanced on four of its feet, with another pair of long legs curled up behind, a picture of insolence. Amédée stood upright on the bed. But how was he to crush the insect against the yielding muslin ? ... No matter. He slapped at it with the palm of his hand, so hard and so suddenly that he thought he had torn the curtain. Certainly he must have killed the mosquito. He looked everywhere for its corpse, saw nothing, but felt a new bite under his knee. There is something very cold and merciless in M. Gides satire ; yet the reader cannot help feeling sorry for his more foolish characters. The plot centres round an ingenious fraud. A band of swindlers collect money from the pious by a cock-and-bull story to the effect that Pope Leo XIII has been kidnapped by the Free-masons, and that while his Holiness is languishing in the cellars of the Vatican or in the castle of Sant Angelo, an impostor is sitting in the place of Gods Vicegerent here on earth. They demand from the faithful funds for the Crusade for the deliverance of the Pope. Poor Amédée sets out all by himself to Rome to deliver the Pope, and, after unspeakable misadventures, is the victim of an experiment. Lafcadio, M. Gides hero, pushes him out of a moving train, partly to see what it is like to commit a murder, partly to puzzle the police with an absolutely motiveless crime. It cannot be said that Lafcadio as a hero is a great success, since he enlists no sympathy, yet M. Gides failure in this matter is perhaps a triumph, since the essence of his philosophy is the unlovable nature of humanity at its best. In any case he works up the secret plot against the Pope to bewildering heights and makes the most of every situation as it arises, but why he ends on a note that is both sensual and sentimental is a problem. The sentiment seems to kill the philosophy of all that has preceded. M. Gides style is extraordinary clever in its deliberate employment of solecisms to attract attention. Behind the scenes there is an arch-villain called Protos, who has divided mankind into two classes : the ´subtlesª and the ´crustaceaª. The ´subtleª is a man who changed his appearance as occasion demands, while the ´crustaceaª are always the same. That change of appearance is all a philosophy. After all in very truth the scoundrel is the man who is never the same two days running, who adapts his code of life to circumstances and who because he is unscrupulous is a very chameleon. The great beauty of Les Caves du Vatican is that it brings back the reader to ordinary morality quite reconciled to its boredom. Humanity is heir to much humiliation ; murder and other abominations may suggest a cheerful reaction, but in truth the only possible rule of conduct was discovered many generations ago and alone offers to the unwilling pilgrim a reasonable path. ["Une humanité glacée" Une nouvelle édition des Caves du Vatican vient de paraître. Elle est très bienvenue en raison de la place toute particulière de luvre dAndré Gide dans la littérature moderne et lon souhaite que, de la même manière, Le Prométhée mal enchaîné soit à nouveau disponible. M. Gide décrit ces deux livres comme des "soties", et la définition de la "sotie" est celle dun genre dramatique, populaire aux XIVème et XVème siècles, dans lequel tous les personnages sont supposés être fous. Son thème principal, en un mot, est lidée que le monde est le royaume de la folie. La glorification de la nature humaine nentre certainement pas dans les intentions de M. Gide. Il excelle dans la description de ces petits incidents humiliants qui nuisent à la dignité de lhomme. Le récit du voyage accompli par le piteux et pieux Amédée Fleurissoire jusquà Rome est quasi-homérique dans sa bataille avec les punaises, les puces et les moustiques. Quel voyageur naura pas rallumé sa lumière, réveillé par le hideux bourdonnement dun moustique ? "Oui, le moustique était bien là, tranquillement posé tout en haut à lintéreur de la moustiquaire. Quoique plutôt myope, Amédée le distinguait assez clairement fluet et élancé jusquà labsurde, campé sur quatre pieds et portant rejetée en arrière la dernière paire de pattes, longue et comme bouclée ; l'insolent ! Amédée se dressa debout sur son lit. Mais comment écraser l'insecte contre la mousseline fuyante ?... N'importe ! il donna du plat de la main, si fort, si vite, qu'il crut avoir crevé la moustiquaire. À coup sûr le moustique y était ; il chercha des yeux le cadavre ; ne vit rien ; mais sentit une nouvelle piqure sous le genou." Il y a quelque chose de glacé et sans pitié dans la satire de M. Gide, même si le lecteur ne peut sempêcher de compatir au sort de ses personnages les plus ridicules. Lintrigue rapporte une machination ingénieuse. Une bande descrocs collecte de largent auprès des croyants sous le prétexte abracadabrant que le Pape Léon XIII aurait été enlevé par les Francs-maçons et que, alors que Sa Sainteté se languirait prisonnier dans les caves du Vatican ou plutôt dans le Château Saint-Ange, un imposteur occuperait la place du représentant de Dieu sur terre. Ils exigent des fidèles les fonds nécessaires à la délivrance du Pape. Le pauvre Amédée, qui se met tout seul en route vers Rome pour délivrer le Saint-Père, est, au terme dinénarrables aventures, la victime dune expérience. Lafcadio, le héros de M. Gide, léjecte du train en marche, en partie pour voir ce que cela fait de commettre un crime, mais aussi pour intriguer la police avec un meurtre sans aucun mobile. Lafcadio est loin dêtre une parfaite réussite, dans la mesure où il nattire aucune sympathie. Toutefois cet apparent échec de M. Gide est peut-être son triomphe dans la mesure où lessentiel de sa philosophie consiste dans limpossibilité daimer lhumanité, même dans ce quelle a de meilleur. Cependant il conduit la croisade secrète pour la délivrance du Pape jusquà des sommets étonnants et tire le meilleur parti de toutes les situations, même si la question de savoir pourquoi il termine sur une note à la fois sensuelle et sentimentale pose problème. Ce sentiment semble contredire la philosophie de tous les épisodes précédents. Le style de M. Gide est incroyablement habile à susciter notre attention à laide de solécismes. Derrière la scène, agit un génie du mal appelé Protos qui a divisé lhumanité en deux catégories : les "subtils" et les "crustacés". Le "subtil" est un homme qui change dapparence au gré des circonstances, alors que le "crustacé" demeure toujours le même. Ce changement dapparence est en soi une véritable philosophie. En vérité, si lon y pense, le chenapan est lhomme qui nest jamais semblable deux jours de suite et sait adapter sa conduite aux circonstances, en se servant de son manque de scrupule pour se faire caméléon. La grande réussite des Caves du Vatican est quelles ramènent le lecteur à sa morale ordinaire, le réconciliant presque avec sa banalité. Lhumanité hérite dun fardeau dhumiliation ; le meurtre et autres abominations du même genre peuvent paraître comme une réaction positive, alors quen vérité la seule règle de conduite possible est cette découverte qui remonte à bien des générations, et qui mène inéluctablement le pèlerin rétif dans la voie de la raison. |
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