Le Figaro

 

Em. GLOX

1er octobre 1909

 

 

     Il y a, dans le roman publié par M. André Gide sous le titre La Porte étroite, des qualités de premier ordre, une rare noblesse de sentiments, une émotion contenue, ramassée, d'autant plus forte qu'elle est exprimée avec plus de mesure et de discrétion. Ajoutez à cela une très touchante anecdote qui est bien conduite, et vous aurez les éléments d'un fort bon roman dont le seul défaut est que les lecteurs de notre temps sont absolument incapables de le comprendre : allez donc faire concevoir à des hommes du vingtième siècle que des amants, au sens chaste et cornélien du mot, ayant lu et médité cette phrase du Christ : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite », en concluent qu'ils doivent briser un amour très sain, très pur, qui ne peut plus nuire à personne, uniquement pour offrir au ciel l'hommage du plus douloureux des sacrifices volontaires. Nous sommes trop mécréants -- ou nous ne le sommes pas assez -- pour admettre que le ciel se réjouisse de sacrifices aussi inutiles.

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