Le Télégramme

 

Jacques MORLAND

10 août 1909

  Parmi les meilleurs livres parus récemment, je vous ai déjà dit l'admiration que mérite le dernier roman de M. André Gide, La Porte étroite (Mercure de France). C'est une oeuvre austère et profonde dont la manière rappelle le Dominique de Fromentin. Alissa, la jeune fille qui devient, par amour, une héroïne du renoncement, est un caractère qui surprendra les gens frivoles ou attachés aux biens terrestres. On fera des reproches à Jérôme, son fidèle amoureux, qui n'ose pas dire les mots qu'il devrait dire pour mettre fin aux imaginations dont elle meurt. Curieuses amours, rétrécies par un devoir sublime et imprécis : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite », dit l'Evangile. Ce sont des enfants qui subissent l'empreinte de cette parole et qui se plient à la discipline qu'elle impose. L'esprit s'y résigne avec effort, mais le coeur a des cris que la froide raison étouffe. Il y a dans le journal de la pauvre Alissa de sublimes accents. La Porte étroite est un beau livre.

 

 

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