Vers et Prose

 

juillet-septembre 1909

Tancrède de Visan

 

 

     Chaque livre du grand écrivain poète et analyste André Gide est un événement parmi l'élite intellectuelle de notre temps. La puissance d'évocation, le charme de sincérité et, par-dessus tout, une pensée vivante, extrêmement inquiète et nuancée, ont placé l'auteur de Paludes  à la tête de ces jeunes hommes qu'il nous plaît de célébrer en secret, comme on déguste en cachette un bon fruit ou comme on évoque, à certaines heures tendres, un souvenir palpitant.

     La Porte étroite  qu'offre aujourd'hui à notre faim intellectuelle ce penseur un peu farouche et si doux qu'est Gide, prend pour thème ce verset commenté de saint Luc : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. » C'est-à-dire : sacrifiez ce que vous avez de plus cher pour atteindre un bien plus sublime, une fin plus haute encore. Remarquons-le, toute l'oeuvre de Gide nous enseigne la joie, mais c'est ici, dans le sacrifice, que s'avère la joie parfaite. Depuis Les Nourritures terrestres, vrai bréviaire de l'âme moderne tourmentée sinon d'absolu, du moins de soif d'être et d'expansion de toutes nos puissances individualistes, aucun livre, excepté celui-ci, ne nous a donné une plus noble secousse morale, ni mieux livré le principe de toute exaltation intérieure. Se renoncer pour atteindre le Verbe suprême, c'est la morale mystique qui se dégage de cette Porte étroite, oeuvre réaliste  où palpitent les plus nobles effusions d'une âme ivre d'amour et, cette fois, d'absolu.

 

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