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juin 1941 Paul Archambault
Le « Carnet vert » d’André Gide
Le carnet vert d'André Gide ?
Qu'est-ce à dire ? Au sens propre et sans figure, un « carnet
de toile verte », sur lequel l'auteur a écrit, entre 1916 et
1919, un certain nombre de pages de journal inspirées par la lecture
du Nouveau Testament et particulièrement propres à éclairer sa pensée
religieuse. Depuis de longues années déjà,
le contenu n'en était plus inconnu du public : en 1922, première
impression sans nom d'auteur ni d'éditeur, avec la seule mention de
l'Imprimerie Sainte-Catherine, à Bruges ; en 1926, première édition
aux Éditions de la Pléiade, chez J. Schiffrin, dans une « Collection
d'écrits intimes à tirage limité ». (1) Mais à cette date encore il restait
difficile d'en déterminer exactement la signification
et la portée. L'auteur indiquait en son Avant-propos que ces pages, « écrites
durant la guerre, gardaient un reflet certain de l'angoisse et du
désarroi du temps ». Son état d'esprit n'était plus le même.
Au surplus, Corydon, qui est de 1924, les Faux-Monnayeurs et Si
le Grain ne meurt, qui sont de 1926, en attendant les Nouvelles
Nourritures, qui sont de 1935, avaient cruellement démenti les
bruits un moment répandus sur une « conversion d'André Gide ». Bref, quasi-clandestin et à demi
désavoué, l'opuscule restait énigmatique. Les plus méfiants critiques
de ce diable d'homme en coquetterie avec le diable n'allaient pas
jusqu'à lui prêter l'intention d'une mystification : il y avait
au surplus des répondants. Mais de quoi s'agissait-il exactement ? Phénomène de surface, ou affleurement
d'un courant profond ? Crise passagère, ou manifestation d'une
préoccupation constante ? Exercice plus ou moins « gratuit » de
littérature, de psychologie, de critique ou d'exégèse, ou élan d'âme
authentique et sincère ? Malgré le caractère « protéique » d'une
personnalité qui ne cessera sans doute jamais d'évoluer et de se renouveler,
il nous semble possible, depuis la publication du Journal, où Numquid
et tu ? est reproduit à sa date, de donner à ces questions
une réponse sans ambiguïté.
Qu'il faille ici réserver leur
rôle aux influences du moment, au choc moral de la guerre, nous en
avons maints indices et, à la date du 2 août 1914, page 452 du Journal, une
preuve particulièrement émouvante :
Le meilleur Gide est là, presque
entier, avec cette tendresse qui se mêle à ses gaspillages d'enfant
prodigue, cette fraîcheur et spontanéité d'impulsion que n'épuiseront
jamais les doutes du critique ni les recherches de l'artiste, ce scrupule
de sincérité que manifestent le refus de hausser le ton, de forcer
la note, la peur de se duper soi-même. Mais, même quand l'étincelle vient
du dehors, c'est au plus creux de l'âme que réside l'énergie latente.
A soixante ans passés, après les expériences immoraliste, rationaliste,
communiste, etc., Gide déclare encore :
Grâce à Si le Grain ne meurt, nous
sommes bien renseignés — parfois avec plus de
précision que nous ne le souhaiterions — sur
la jeunesse d'André Gide, et en mesure de délimiter ce que contiennent
de plus ou moins autobiographique la plupart de ses œuvres. Le lieu
n'est pas d'une analyse complète qui demanderait de longs développements.
Une chose est certaine, qui nous suffit pour le moment : entre
les multiples composantes de cette destinée complexe, — sensualité précoce
et exigeante qui, loin de redouter l’anomalie, devait y trouver son
naturel ; extraordinaire acuité de vision intellectuelle ;
individualisme comprimé par une éducation enclose entre des femmes
diversement craintives de la vie ; goût passionné de l'expérience
et de l'aventure, etc., —il ne faut pas omettre de compter un besoin
d'exaltation et de ferveur qui, après tant d'autres voies tentées,
reconnaissait un jour ne s'être pleinement satisfait que dans la vie
religieuse. Combien chaudes et vibrantes encore
les pages qui nous en parlent ! Il le faisait bien ennuyeux, son
cours d'instruction religieuse, ce pasteur Couve, et bien fastidieuses
ses explications érudites sur le nombre des prophètes et l'itinéraire
des voyages de saint Paul. Mais il tenait la Bible en mains, il n'y
avait qu'à puiser à même. « Je lus la Bible avidement, gloutonnement. » L'Évangile
surtout.
Ah ! je trouvais
enfin la raison, l'occupation, l'achèvement de l'amour... Je portais
un Nouveau Testament dans ma poche ; il ne me quittait point...
Je me maintins alors, un mois durant, dans une sorte d'état séraphique,
celui-là même, je présume, que ressaisit la sainteté... Levé dès l'aube,
je me plongeais dans l'eau glacée dont, la veille au soir, j'avais
pris soin d'emplir ma baignoire ; puis, avant de me mettre au
travail, je lisais quelques versets de l'Écriture, ou plus exactement
je relisais ceux que j'avais marqués la veille comme propres à alimenter
ma méditation de ce jour ; puis je priais... Par macération,
je dormais sur une planche ; au milieu de la nuit, je me relevais,
m'agenouillais encore, mais non point tant par macération que par
impatience de joie. (5)
Et plus loin, au moment du départ
pour l'Afrique :
Jusqu'alors il
ne s'était point passé de jour que je ne puisasse dans le saint livre
mon aliment moral et mon conseil. Mais c'est précisément parce que
cet aliment me semblait indispensable que je sentis le besoin de m'en
sevrer. Je ne dis pas adieu au Christ sans une sorte de déchirement;
de sorte que je doute à présent si je l'ai jamais vraiment quitté. (6)
Malheureusement, on l’a sans doute
pressenti à la seule lecture de ces lignes, cette ferveur adolescente
ne portait pas en soi les promesses de la durée. Tout affective et
sentimentale, aucune armature intellectuelle ne semble l'avoir soutenue.
En outre et surtout, — car il y a plus profond en nous que les arguments
et les doctrines, — elle ne s'accordait pas aux exigences les plus
impérieuses de l'être. Elle était liée à un état de trouble, d'insécurité,
d'inquiétude, et diverses causes tendaient à la marquer d'un signe
négatif, à la charger lourdement d'interdictions et de prohibitions :
les pénibles luttes que le jeune homme avait à soutenir contre sa
sensualité si tôt éveillée, le caractère conformiste et puritain d'un
milieu où les originalités et valeurs ne manquaient pas (à commencer
par le père de l'écrivain, Paul Gide, et son oncle Charles Gide, l'économiste,
dont le Journal brosse un vigoureux portrait), mais où l’originalité subissait
de sévères refoulements et censures, et où la valeur, comme le dit
Gide de sa mère en attendant de le dire d'Alissa, s'égarait parfois
en la recherche tendue et artificielle d'un impossible meilleur. Or
c'est décidément une erreur de parler de Gide comme d'un maître de
l'inquiétude. Du moins faut-il ajouter que, des deux composantes
que l'inquiétude conjugue normalement, — instabilité et insatisfaction, — il
n'en connaît bien qu'une. Instabilité, certes : jamais homme
n'eut davantage le goût du mouvement, du dépaysement, de la recherche,
de l'expérience. Mais, de cette instabilité, il n'a point l'impression
d'avoir pâti et il s'est toujours défendu de souffrir. Rien du « voyageur
traqué ». Dans ces perpétuels départs, son œuvre n'a pas trouvé seulement
quelques-uns de ses plus séduisants prestiges, mais sa vie l'exaltation
continuellement renouvelée qu'elle demandait, et peut-être même la
seule forme d'équilibre qui lui restât possible. A-t-on assez remarqué qu'il
parlait du bonheur à la fois avec ivresse et beaucoup de suspicion ?
Tantôt comme du bien unique et infini dont les moyens seuls peuvent être
discutables ; tantôt comme d'un idéal médiocre méritant l'anathème
de Wilde : « Pas le bonheur ! Surtout pas le bonheur,
le plaisir... » ? Aucune contradiction en cela, mais le
jeu d'une distinction familière aux épicuriens (chez qui elle jouait
d'ailleurs en sens exactement inverse) : pour un Gide, le « plaisir
en repos » est une espèce de mort : le « plaisir en
mouvement » le réveille et lui rend la sensation de la vie. Bref,
voici peut-être l'essentielle constante de cette nature inconstante :
une vitalité vigoureuse, voire intempérante, entretenue par la culture
systématique du désir, non pas tant pour la possession à laquelle
il paraît tendre, que pour la tonicité allègre, le frémissement joyeux
dont il est chargé. « Il y a profit aux désirs, et profit aux
rassasiements de désirs, parce qu'ils en seront augmentés. » (7) Entre des disciplines religieuses
prenant trop souvent l'apparence, suivant la définition célèbre, d'un « système
de tabous », et la vie attendue comme « un fruit plein de
saveur sur des lèvres pleines de désir » (8), quel durable accord
possible ? Les Cahiers d'André Walter (1891) sont pleins
de cette lutte. L'âme s'y débat, cherchant à sauver à la fois son
cher amour et ses plus hautes raisons d'être. Mais déjà elle défaille,
elle se sent dominée. Un des rares passages conservés du Journal de
cette époque porte à la date d'avril 1893 :
Et maintenant
ma prière (car c'est une prière encore) : O mon Dieu, qu'éclate
cette morale trop étroite et que je vive, ah ! pleinement ;
et donnez-moi la force de le faire, ah ! sans crainte, et sans
croire toujours que je m'en vais pécher. (9)
Ce que Si le Grain ne meurt commente
ainsi :
Au nom de quel
Dieu, de quel idéal me défendez-vous de vivre selon ma nature ?...
Jusqu'à présent j'avais accepté la morale du Christ. Pour m’efforcer
de m'y soumettre, je n'avais obtenu qu'un profond désarroi de tout
mon être... J'en vins à douter si Dieu même exigeait de telles contraintes ;
s'il n'était pas impie de regimber sans cesse, et si ce n était pas
contre Lui. (10)
Naguère, la prétention de « dégager
l'âme en donnant au corps ce qu'il demande » était l'objet de
la plus pertinente critique : « Ne sais-tu pas que la gangrène
de la chair attaque l'âme ? » (11) Elle va devenir un des
thèmes favoris de la pensée gidienne. Une explosion était inévitable.
Cette explosion, c'est le premier, puis le second séjour en Afrique ;
c’est le « forcené désir de vivre » libéré par la convalescence,
après la congestion pulmonaire et les menaces de tuberculose ; « tandis
que se volatilisait tout vouloir », c'est le moi ouvert, livré sans
défense ni réserve à toutes les sollicitations de l'instinct et de
l'occasion ; c’est la distinction même du naturel et du contre-nature,
du normal et de l'anormal hardiment franchie, bientôt délibérément
niée ; c'est Ali, Mohamed, Athman, et leur misérable cortège ;
c'est la rencontre d'Oscar Wilde, déjà en route pour son tragique
destin, et l'accueil fait à sa redoutable leçon :
J'ai été aussi
loin que possible dans mon sens, répétait-il. Je ne peux pas aller
plus loin. A présent il faut qu'il arrive quelque chose. (12)
L'amour d'Emmanuèle ? Il subsiste,
certes : il brille, à la fin de Si le Grain ne meurt, comme l'étoile du matin après
une nuit d'orage. Mais il ne peut être de grand secours, car le parti
est pris par Gide de « dissocier le plaisir et l'amour ».
Et même, ajoute-t-il,...
... il me paraissait
que ce divorce était souhaitable, que le plaisir était ainsi plus
pur, l'amour plus parfait, si le cœur et la chair ne s'entre-engageaient
pas. (13)
Toutes les tendresses, les délicatesses
du passé se distillent dans la Porte étroite (1909). (14) Mais
la ligne de l'avenir, ce sont les Nourritures terrestres (1897),
c'est l’Immoraliste (1902), c'est le Retour de l'Enfant prodigue (1907)
qui la dessinent. Un instant même, avec les Caves du Vatican (1914),
on put se demander si la ferveur d'autrefois n'allait pas se muer
en mépris, voire en haine. Mais les Caves posent beaucoup de
questions, et d'abord celle-ci : est-ce que dans ce livre où tout
est moqué, — religion, famille, science, morale, etc., — Gide ne se
moque pas finalement de lui-même ? Est-ce que la théorie de « l'acte
gratuit », où paraît se complaire l'auteur, n'est pas dévorée
comme tout le reste par cette énorme bouffonnerie ? Impossible
de ne pas se souvenir ici de la remarque de Fernandez :
Sous le défi voilé ou
le ricanement je sens comme une plainte en sourdine, la plainte à la
fois irritée et désespérée d'un homme qui voit méconnaître son cœur,
et qui sent que, pour une fois, son cœur est d'accord avec sa raison. (15)
Vient la guerre, avec tous ses
sujets de méditation, et d'abord ses souffrances. A sa place, André Gide
cherche à servir. À Paris, il se met à la disposition de la Croix-Rouge
et, pendant dix-huit mois, dirige avec
quelques amis un foyer franco-belge, se laissant absorber, « boire » par
sa tâche, au point de se demander longtemps s'il a le droit de s'en
distraire pour revenir à son œuvre littéraire. A Cuverville, il visite
les familles indigentes ou éprouvées, s'enquiert de leurs besoins,
se plaît à leur porter vivres, services et consolations. Ne nous y
trompons pas : cet individualiste a au plus haut point le sens
d’« autrui » ; ce pourfendeur (surtout verbal) de la
famille porte partout le souci et la charge de son frère ; lorsqu’il
s’en libère par la fuite, c’est avec une brusquerie qui trahit la « mauvaise
conscience ». Et du service du prochain au service de Dieu, du
sens de la responsabilité et de l'obligation au sentiment de l'éternel
et de l'absolu, n'y a-t-il pas pente naturelle ? Quoi qu'il en
soit d'ailleurs des cheminements toujours un peu mystérieux de l'inquiétude
religieuse, le fait est qu'elle se manifeste ici avec une subite violence. Certes, ce n'est point encore la
foi du chrétien, pas même sa recherche résolue ni son humble attente.
Ce texte sacré qu'il relit à nouveau quotidiennement, Gide paraît
plus pressé de le tirer à soi que de s'y soumettre. L'habitude subsiste
d'utiliser les formules évangéliques — voire celles de saint Paul,
qui pourtant… — pour véhiculer les thèses les plus subtilement terrestres.
Retrouver l'innocence du petit enfant, c'est « parvenir à un
ravissement pur et riant ». Naître de nouveau, c’est « oublier
ce que les autres ont écrit, ont peint, ont pensé, et ce que l'on
a pensé soi-même ». En disant qu'il est la résurrection et la
vie, le Christ nous invite, non point tant à chercher par delà la
mort une vie future, qu'à vivre dès à présent dans l'éternité, à participer
tout aussitôt à une félicité supérieure. Ni prescription ni ordre
d'ailleurs en tout cela : il ne s'agit que de notre bonheur immédiat, et
nunc. Aimer sa vie, son âme, c'est « protéger sa personnalité,
soigner sa figure dans le monde » (entendez par exemple ;
préférer l'Académie à Corydon) ; on vous dira même
un jour prochain : se soucier de son salut en ce monde ou en
l'autre. Renoncer à soi, c'est « répudier toute opinion personnelle,
toute habitude, toute pudeur, toute vertu même », s'abandonner
au désordre provisoire des appétits et des sens, « confiant en
un ordre plus sincère et naturel qui s'organiserait de soi-même ». Et
lorsque vous lisez dans le saint livre qu'il ne vous sera pas donné d'autre
signe que celui du prophète Jonas, comprenez que ce n'est pas à cause
du miracle qu'il faut croire, mais malgré cela. (16) Mais d'abord il s'en faut que tout
soit artificiel ou sans profit dans ces gloses gidiennes. Venant au
verset de Matthieu : Et qui non accepit crucem suam, et sequitur
me, non est me dignus, — lorsque Gide conteste la traduction
classique : « Celui qui ne prend pas sa croix, et ne me
suit pas », et propose de traduire : « Celui qui ne
prend pas sa croix, et qui me suit, c'est-à-dire celui qui
prétend me suivre sans avoir d'abord pris sa croix », — je
ne crois pas qu'aucune considération théologique se mette en travers,
et un latiniste scrupuleux approuve. Surtout, à travers, et par delà les
textes, que de cris où toute l'âme s'élance ! Cri de la confusion
et de la honte devant la « souillure affreuse », la « salissure » du
péché. Cri de la faiblesse qui demande secours : « Seigneur ! si
vous devez m'aider, qu'attendez- vous ? Je ne puis pas tout seul.
Je ne peux pas... Ne vous laissez pas déposséder, Seigneur ! » Cri
du désir qui devine le don et sa richesse : « Abandon du
souci mortel… Parfois je demeure aux écoutes, tremblant à la promesse
immédiate de tant de joie. » Cri de l’amour qui s’offre : « Seigneur,
puisse ma prière, comme celle des âmes très pures, n’être plus que
le reflet de Vous qui Vous revienne, lorsque Vous Vous penchez sur
moi. » Et voici pour clore les citations,
un dialogue qui n’est pas indigne d’être rapproché du Mystère de
Jésus, et qui évoque aussi les Souffrances du Chrétien :
… Sa main, toujours tendue, que l’orgueil
se refuse à saisir. — Préfères-tu
donc enfoncer toujours, lentement, toujours plus profondément dans
l’abîme ? Penses-tu que cette chair pourrie, d’elle-même
va se détacher de toi ? Non, si tu ne te détaches point d’elle. — Seigneur !
sans votre opération elle me pourrira d’abord tout entier. Non, ce
n’est pas l’orgueil ; vous le savez ! Mais, votre main, pour la saisir,
je voudrais être moins indigne. Ma fange ainsi la tachera plutôt que
ne me blanchira sa lumière... — Tu sais bien... — Pardon, Seigneur !
oui, je sais que je mens. Le vrai, c'est que, cette chair que je hais,
je l'aime encore plus que Vous-même. Je meurs de n'épuiser pas son
attrait. Je vous demande de m’aider, mais c’est sans renoncement véritable... — Malheureux
qui prétends marier en toi le ciel et l'enfer ! On ne se donne à Dieu
que tout entier. T'étonnes-tu vraiment
si, après avoir quitté Dieu si longtemps, tu ne parviens pas, aussitôt
que tu retournes vers Dieu, à la félicité, à la communion, à l'extase ?
On n'y parvient que par l'intimité.
Plus rien, on le voit, d'un débat
théorique, de métaphysique ou d'exégèse. Il s'agit de l'être même,
et de son plus urgent besoin. Ce qui à cette heure ressaisit Gide,
c'est bien le même et double sentiment dont sa jeunesse avait été labourée :
humiliation du péché, de la faiblesse qu'il révèle, de la servitude
qu'il apporte ; espoir d'une intervention possible, qui serait
la force, la liberté, la vie. Mais de combien d'expériences nouvelles
dès lors enrichi ! En vain Gide se vantera-t-il parfois, non
sans cynisme, de ne s'être jamais senti l'esprit plus allègre et la
chair moins pesante qu'après le plaisir. Il n'ignore pas de quel prix
se paye cette exaltation passagère et que, par exemple, l'esclavage
de l'habitude, loin d'en être brisé, ne peut que s'en trouver renforcé.
Créateur et critique, il sait aussi qu'aucun chef-d'œuvre n'est jamais
né du seul caprice, de l'abandon à l'impulsion instinctive, à la sollicitation
du moment : comment pourrait-il en être autrement de ce chef-d'œuvre
plus difficile encore qu'est un grand amour, une noble vie ?
Certes, de puissantes forces, de séduisantes voix cherchent à nous
entraîner, à nous abuser. Mais, précisément, trop puissantes, trop
séduisantes pour ne pas nous révéler autre chose qu'elles-mêmes. Tel
son ami Jacques Roverat lui disant un jour : « J'ai commencé par
croire au diable... Et c'est de croire à lui, que je sentais, qui
m'a amené à croire en Dieu, que je ne sentais pas encore », il
discerne maintenant que, derrière le péché et son esclavage, il y
a quelqu'un. Le mal n'est pas seulement un défaut du bien, c'est « un
principe positif, actif, entreprenant... Quand je dis : le Malin,
je sais ce que ce mot-là désigne... Je n'eus pas plus tôt supposé le
démon que toute l'histoire de ma vie me fut du même coup éclaircie. » (17) Derrière
le secours attendu, derrière la liberté pressentie, pourquoi n'y aurait-il
pas, ne faut-il pas qu'il y ait aussi Quelqu'un ? Quelqu'un susceptible
d'intervenir aussi dans notre vie de manière positive, active, personnelle ?
Quelqu'un qu'il ne s'agit plus de séduire, ni de dominer ? Quelqu'un
qui veut être désiré, aimé, prié ? Méfions-nous des imageries simplistes,
surtout quand il s'agit d'une personnalité comme celle d'André Gide :
assurément, les textes que nous venons de citer sont fort loin de
l'expliquer toute. Mais, sous prétexte de mieux dessiner le détail,
ne laissons pas fausser la perspective : ces textes traduisent
quelques-uns des aspects essentiels du drame humain, et la grandeur
de Gide est d'avoir authentiquement, profondément vécu le drame humain ;
ce serait le diminuer lui-même que de les minimiser.
Pourtant, il est vrai, Numquid
et tu ? ne marque pas seulement un sommet de l'évolution
religieuse de Gide, mais, d'une certaine manière, un terminus : à partir
de ce moment, à s'en tenir du moins aux écrits publiés, aux actes
visibles, il y a chute, et quasi verticale. La Symphonie pastorale (1919), où les choses de
la vie intérieure sont traitées encore avec beaucoup de respect, malgré « ce
trouble du fond transparaissant sous la limpidité de la forme » (Charles
Du Bos), est « une dernière dette envers le passé ». Corydon (1924)
et les Faux-Monnayeurs (1916) à l'égard de ce passé marquent
plus qu'une rupture : un défi. C'est le moment, raconte M. L.
Pierre-Quint, (18) où Gide aborde les gens en leur demandant : « Êtes-vous
inquiet ? » Ajoutant tout aussitôt : « Car, moi,
je ne le suis plus. J'ai cessé de lutter contre mon démon. Je ne résiste
plus au désir... Je laisse les contradictions vivre en moi... Je n'analyse
pas... Ceci est ma voie, la vraie, la bonne. » Nous allons connaître
le Gide étroitement humaniste, dont l’idée de progrès polarise un moment toutes les pensées ; le Gide communisant, qui
semble ne plus attendre ce progrès que d'une modification de la structure
et du milieu social ; voire le Gide voltairien, qui dénoncera
dans la religion et la famille « les deux pires ennemis du progrès ».(19)
Bref, comme dira Du Bos, un Gide peu à peu « déspiritualisé ». Que s'est-il donc passé ? Nous avons fait plus haut la part
du choc de la guerre. Il faut réserver ici le rôle de l'immense perturbation
d'après guerre. Comment n'y trouverait-il pas son compte, l'immoraliste
qu'irritent tous les conformismes, et qui avoue un certain goût de
s'encanailler ? l'individualiste impatient de toute loi, de toute
dépendance, de toute possessions ? le grand aventurier du monde
des valeurs dont la devise est désormais celle-ci : « Pour
moi, je ne sais où je vais ; mais j'avance. »(20) ? Ajoutez que les jeunes qui à ce
moment mettent tant de choses en question, à ce même moment découvrent
Gide, l'entourant d'une faveur qu'il n'a jamais connue. S'ils avaient
encore des dogmes, des classiques, des héros, il faudrait dire que
la théorie de l'acte gratuit est un de leurs dogmes, les Caves un
de leurs classiques, Lafcadio leur héros préféré. Non pas que Gide
envisage de les suivre au bout de leurs négations et démolitions :
relisez plutôt telle note incisive de la Nouvelle Revue française sur
le mouvement « Dada » (21). A défaut du reste, la logique,
la culture, le langage et leurs lois lui restent conquêtes précieuses :
au total, elles mènent déjà loin. Quoi qu'il en soit, nouveauté dans
sa vie, voici Gide lu, célébré, en quelque mesure populaire ;
voici que vient à lui, sinon cette gloire dont il n'est
pas avide, cette influence qu’il a toujours désirée. De tout cela,
la joie des « nourritures terrestres » va se trouver singulièrement
avivée en lui, cette joie du désir et du rassasiement alternés, de
la quête et de la conquête l'une par l'autre relancées dont il faisait
dire à son Ménalque :
Tu ne sauras jamais
les efforts qu'il nous a fallu faire pour nous intéresser à la
vie ; mais maintenant qu'elle nous intéresse, ce sera comme toute
chose — passionnément.
(22)
Précisément, à partir d'octobre
1917, les expressions se multiplient dans le Journal d'une
nouvelle et exigeante jeunesse :
Jamais je n'ai
moins aspiré au repos. Jamais je ne me suis senti plus soulevé par
cet excès de passions dont Bossuet fait l'apanage de la jeunesse,
dans cet admirable Panégyrique de saint Bernard que je relisais
ce matin... (23) Immense étourdissement
de bonheur. Ma joie a quelque chose d'indompté, de farouche, en rupture
avec toute décence, toute convenance, toute loi... (24)
Sans doute, au même moment, d'autres
amis entourent Gide, lui proposent une autre joie : Claudel,
Jammes, Ghéon, Du Bos, sans compter Dupouey, aussi présent mort que
vivant, sans compter Copeau, Rivière, qui à leurs heures aussi se
tournent vers Dieu. Les convertis font le siège de cette belle place,
où ils se savent des complicités. Le font-ils comme il faudrait ?
Force est bien, en tout cas, de constater leur défaite. Claudel impressionne
son ami Gide, mais l'intimide plus qu'il ne l'entraîne. Les romans édifiants
de Jammes lui semblent être une dégradation de la vraie piété. (25)
Le truculent Ghéon, depuis sa conversion, « a pris un air de
ressemblance avec le brave curé de Guverville » ; il est
pour ses anciens amis « plus perdu que s'il était mort. Il n'est
ni changé ni absent ; il est confisqué. » (26) Quel besoin
de répudier avec tant de véhémence le commun passé ? « En
décontenançant de toute valeur réelle ta pensée précédente, tu déprécies
d'autant la signification de ta victoire sur elle. » (27) Et
quels détours, quels contournements pour rejoindre l'orthodoxie d'une Église à qui
il semble importer peu que la soumission s'obtienne au prix d'un sophisme !
Où Francis Jammes
m'irrite le plus, c'est quand il croit, ou feint de croire, que c’est
par le raisonnement et par le besoin maniaque de dialectique que je
m'écarte et m'oppose, alors que tout au contraire... Ce n'est point
l'ignorance, ni l'humilité, ni le renoncement, c'est le mensonge que
j'abomine. Et cette simagrée par laquelle l'âme se dupe et s'offre
en dupe à Dieu. (28)
Dans de telles dispositions d'esprit,
il n'est pas jusqu'à l'Évangile qui ne puisse induire en tentation
et devenir occasion de scandale : « Ce qui me retient, ce
n'est pas la libre pensée, c'est l'Évangile... Vous retient de quoi ?...
Eh ! d'entrer dans l'Église, parbleu ! » (31)
On le sent bien : tout cela
aurait pu être autre, tout cela aurait pu tourner autrement, si la
pente de l'être avait été autre. Événements, amitiés, influences,
lectures ne sont encore qu'appels, admonitions, sollicitations :
la véritable cause est intérieure. Elle seule lève les indécisions,
les indéterminations, les ambiguïtés ; elle seule donne aux faits
leur aspect définitif, leur véritable efficacité. Malgré beaucoup
de circonstances favorables, la recherche religieuse de Gide a été un échec ;
il nous reste à préciser la raison profonde de cet échec. Pour cela, nous pouvons en revenir à la
page célèbre où Pascal, (32) méditant sur la « disproportion
de l'homme » et sa dualité de « composé d'esprit
et de matière », dénonce, tout en l'expliquant, notre tendance
quasi irrésistible à parler « des choses corporelles spirituellement
et des spirituelles corporellement ». Nous avons déjà dit l'irritation
qui vient à beaucoup de lecteurs, de voir les textes de l'Évangile
si aisément sollicités par Gide en un sens inattendu... de tout autre
que de Gide. Ce ne sont pas seulement les données de la Révélation
qui subissent chez lui ce glissement, ce tassement. Il en va de même
des données les plus fondamentales, les plus usuelles de toute métaphysique,
de toute morale... Jamais on ne vit chez esprit aussi aigu pareil
insouci de certaines nuances, disons mieux, de certaines arêtes, où se
font les décisifs partages. Dans son Dialogue avec André Gide (p.
236), Charles Du Bos a noté avec force « cette conception tout
ensemble spatiale du spirituel et temporelle de
l’intemporel », cette impatience de jouir dans les choses
mêmes de la chair et de la terre des privilèges de l'esprit et de
l'éternité, qui marquait déjà des œuvres comme l'Immoraliste et
surtout les Nourritures, et qui n'est pas sans se manifester
jusque dans le Numquid et tu ?. C'est bien dit;
mais encore trop partiellement dit. Conception « spatiale » du
dépassement, mesuré à la quantité de chemin parcouru, de distance
franchie, sans égard à la qualité de ce que l'on quitte et de ce vers
quoi l'on va ; conception « temporelle » de l'éternité,
que l'on demande vécue dans le présent même, comme une succession
ininterrompue d'instants, comme une « fruition paradisiaque de
tout instant » (33) ; mais aussi conception sensualiste
de la joie, quêtée comme une ardeur, voire une fièvre, une fièvre à la
fois alourdie et brûlée de volupté ; conception empiriste de
la pensée, où la sensation non seulement introduit, mais soutient
et commande la doctrine, où l'esprit se définit « un rendez-vous
de sensations » ; conception « immanentiste » de
Dieu, qui n'est pas à chercher « ailleurs que partout »,
et qui, au surplus, n'est pas à chercher, pas même à attendre, car
toute créature déjà le possède ; conception toute naturaliste
de la vie enfin, pour résumer, où sans doute on nous invite à la renaissance
et nous convie à l'exaltation, mais où il ne s'agit finalement que de
renaître à la même existence — prolongée — et à la même exaltation — multipliée... Tentation permanente des ardents,
des forts, des grands vivants. Comme il n'y a rien de faible en leur être,
ils admettent difficilement qu'il y ait rien de vide ou de négligeable
dans l'être. De toute l'énergie de leur désir et de leur résolution
ils adhèrent au plus modeste bien, à la plus fugitive apparition,
comme si un infini y résidait : il y est en effet, en ce sens
qu'ils y ont mis. Tout manque leur est un sacrifice, tout sacrifice
une mort. Renoncer leur devient aussi impossible qu'abandonner, ce
renoncement et cet abandon où les faibles peuvent trouver au contraire
une tentation inverse, et parfois une paix de désertion. S'ils sont
en même temps lucides et sincères, il leur faudra bien avouer souvent
la déception. Mais c'est leur propre cœur qu'ils accuseront généreusement,
plutôt que l'objet aimé. Ce n'est pas le monde qui leur aura manqué,
ce sont eux-mêmes qui auront manqué au monde. Ils ont été trop timides
encore, trop froids, trop hésitants. De toute la force de leur élan
refoulé mais non brisé, exaspéré au contraire, ils s'acharnent sur
le pauvre objet à la fois résistant et défaillant, ils l'enveloppent
et l’étreignent d'autant plus fiévreusement qu'il aura paru se dérober,
nourrissant leur désir de leur désillusion même, leur avidité de leur
faim, en réalité exténuant, épuisant l'un par l'autre. Ce qui devait
les contenir les a fait déborder. Ont-ils tort de vouloir la vie,
de la vouloir intense, de la vouloir surabondante ? Non, certes.
L'Évangile même le leur permet, le leur promet. Mais la notion de
vie n’est pas, comme diraient les philosophes, une notion « univoque ».
Il n'en est pas au contraire de plus « équivoque ». Il n'y
a pas la vie ; il y a des vies, se déroulant sur des plans, selon
des lois, par des moyens différents. Le problème n'est donc pas de
savoir si l'on veut ou non la vie, non plus que le bonheur :
tout le monde veut vivre, même celui qui se tue ; tout le monde
veut être heureux, même celui qui se sacrifie. Le problème est de
savoir quelle vie, quel bonheur on veut ; de quoi l'on prétend
remplir sa vie, faire son bonheur. De l'un à l'autre de ces plans,
impossible de passer par simple prolongement, voire par simple développement,
voire par simple transmutation, si l'on entend par là que dans l'être
nouveau les avoirs anciens subsisteront tous, fût-ce au prix de quelque
sublimation. L'esprit est lié à la chair, mais il est appelé à dominer
la chair. La joie et l'amour se manifestent en plaisirs et en attraits,
mais ils sont autre chose que le plaisir ou l'attrait. L'éternité se
conquiert à travers le temps, mais elle est au-dessus et au delà du
temps. On peut dire que Dieu est immanent au monde ; mais à condition
d'ajouter tout de suite, et du même mouvement, qu'il lui est transcendant. Comment Gide, qui connaît bien
pourtant l'épisode de Nicodème, a-t-il pu se méprendre à ce point
sur la nouvelle naissance à une nouvelle vie qui, dans tout l'Évangile
de saint Jean, conditionne l'avènement du Royaume ? Naissance
qui n'est plus de la chair et du sang, mais de l'esprit. Naissance
qui n'est plus de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme,
mais de la volonté de Dieu. Vie qui n'est plus du monde, bien que
nous ne soyons pas retirés du monde. Vie qui est victoire sur le monde.
Sans doute, c'est des rapports du naturel et du surnaturel que l'entendent
surtout les chrétiens. Mais il n'est pas interdit d'y voir une loi
générale de notre destinée. Faite d'ordres solidaires, mais hétérogènes,
et proprement incommensurables. Telle qu'on n'accède pas d'un ordre à l'autre
sans consentir des sacrifices, non pas apparents, mais effectifs,
non pas seulement provisoires, mais définitifs. Dura lex. Oui, cette loi est dure.
D'autant plus dure, répétons-le, qu'il s'agit d'une humanité plus
riche et plus ardente, d'une âme plus sensible à l'impression, d'une
volonté plus rebelle au sacrifiée et plus déchirée par le choix. Or
la vitalité physique et intellectuelle est un des traits les plus
frappants de la personnalité d'André Gide. L'avidité de ses sens et
de son cœur, sa répugnance fondamentale à la fixation, au choix, ne
sont pas davantage à démontrer. Son expérience religieuse s'en trouvait
handicapée dès le point de départ ; les dons mêmes se révélèrent
un piège. Elle n'en est pour cela ni moins instructive ni moins émouvante.
(1) Cf. André Gide, Journal, 1889-1939, Bibliothèque
de la Pléiade, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française,
p. 539 : « 9 février. Voir dans le carnet de toile verte Numquid
et tu ?… à cette date. » — Page 621 : « C’est dans mon carnet vert que je
devrais écrire ceci. » — Le titre Numquid et tu ?… se
réfère à l’épisode de Nicodème, Jean, VII, 47-52 : « Numquid
et vos seducti estis ? Vous aussi, vous êtes-vous laissé séduire ?… Numquid
et tu Galilaeus ? Toi aussi, es-tu Galiléen ? » (2) Em., c'est la femme d'André Gide. Le moment n'est certainement
pas venu de faire la lumière — ni même de la demander— sur cet aspect
essentiel de la vie de l'écrivain. Nous savons aujourd'hui, et cela
doit nous suffire jusqu'à nouvel ordre, qu'en gros l'histoire de la
Porte étroite est vraie, à cela près que c'est dans le mariage
(un mariage mutilé : André Gide n'a pas professé seulement en
doctrine la séparation absolue du cœur et des sens) qu'Emmanuèle-Alissa
a répondu à l'appel du « meilleur ». La cousine qu'André Gide
avait épousée à la fois dans un grand élan de compassion pour elle
et par désir d'échapper pour sa part aux vices dont il se faisait
encore un péché, lui a été jusqu'au bout une compagne aussi bienfaisante
qu'indulgente, se résignant à ses vagabondages de corps, de cœur et
de pensée, mais portant indéfectiblement témoignage auprès de lui
de la douceur et de la force de la charité chrétienne. Et le Journal (encore
qu'il se soit interdit de s'y expliquer sur sa vie conjugale) prouve
que, de son côté, André Gide n'a cessé de lui porter la plus tendre
affection, aussi impatient de lui revenir que prompt à la quitter,
l'associant à ses projets et travaux, sollicitant ses conseils et,
le cas échéant, son appui, poursuivant avec elle ce dialogue ininterrompu
que la terre a mal entendu, mais qui aura eu des suites dans l'ordre
de la grâce. (3) Journal, 6 janvier 1933, p. 1156. (4) Journal, p. 1156. (5) Si le Grain ne meurt, p. 214-216. (6) Id., p.290. (7) Nourritures terrestres, p.19. (8) Id., p. 181. (9) Journal, p. 84. (10) Si le Grain ne meurt, p. 285. (11) Cahiers d'André Walter. Ploubasnalec, septembre 1887. (12) Si le Grain ne meurt, p. 339. (13) Si le Grain ne meurt, p. 289. (14) Car nous nous refusons tout à fait à voir dans la
Porte étroite une satire pure et simple, ou l'assouvissement
d'une rancune. Outre qu'une telle hypothèse ne s'accorde pas aisément
avec les tonalités dominantes de l'ouvrage, elle est formellement
démentie par des textes tels que celui-ci : « Chaque fois
que je reprends ce livre, c'est avec une émotion indicible !
(Journal, p. 387). Autre chose est passer le but, autre chose
se tromper de direction. A aucun moment Gide n'est tenté de suivre
Alissa dans les extrêmes conséquences qu'elle tire de son besoin
du « meilleur ». A aucun moment il n’est tenté d'en railler
le souci. (15) Ramon Fernandez. André Gide. Paris Corrêa, éditeur,
p. 242. (16) En raison des faibles dimensions de Numquid et tu ?,
nous n’avons pas cru nécessaire, dans cet alinéa non plus que dans
les suivants, d’ajouter une référence précise à chacun des passages
cités. (17) Journal, p. 608-609. (18) L. Pierre-Quint, André Gide. Sa vie. Son œuvre. Paris,
Stock, éditeur, 1932. (19) Journal, p. 1066. (20) Id., p. 791. (21) Avril 1920. Repris dans Incidences, p.211-214. (22) Nourritures terrestres, p.17. (23) Journal, p.635. (24) Id., p. 639-640. (25) Id., p. 534. (26) Id., p. 627. (27) Id., p. 647. (28) Ceci à propos d'une lecture de Bossuet qui est ainsi commentée : « J'abandonne
la lecture des Élévations avant que mon dégoût ne déborde et
n'entraîne à son tour ce que je voudrais préserver. J'ai poursuivi
le plus loin que j'ai pu, mais aucune lecture n'est plus propre à me
précipiter dans l'opposition, c'est par précaution que je m'arrête. » (Journal, p.
534). — Pascal est traité avec plus d'égards ; mais sur le Schaudern pascalien,
les sentiments de Gide seront finalement ceux de son ami Valéry. (29) Journal, p. 1065. (30) Voir par contre, p. 771, l'attachant récit d'une rencontre
avec Maritain. (31) Journal, p. 611. (32)Pensées, Brunschvicg, 72. (33) Journal, p. 600.
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