La Vie des Lettres et des Arts

1924

 

Paul Véglione

 

Le Néo-Thomisme et le Nouveau Mal du Siècle (1)

 

Cette renaissance du thomisme prendra, je crois, dans l'histoire de nos idées un sens dont on peut bien mal encore se rendre compte. Voici quelques esprits qui ont senti et déclaré à quel danger mortel nous courons. Une civilisation en danger de mort, n’est-ce point un malheur assez urgent pour que nous y donnions tous nos soins et nos actions les plus volontaires. Il fait bon parler alors de dogmatisme ou de parti pris !

On a coutume de reprocher à MM. Massis et Maritain leur catholicisme acquis, c'est à dire leur conversion. Je trouve au contraire admirable que ces convertis aient si profondément saisi l'esprit du catholicisme : ils en ont fait à nouveau le centre unique. Ils l'ont pris dans le domaine des idées, comme MM. Maurras et Léon Daudet l'avaient pris dans le domaine de la politique. Qu'un Henri Brémond, de peur que quelque richesse ne soit perdue, donne au catholicisme l'élasticité voulue, je ne veux pas l'en détourner : il faut voir à l'œuvre de telles attitudes pour en comprendre le danger et quelle réaction devient nécessaire.

Ce n'est pas que j'attache sur un plan absolu une valeur absolue au néo-thomisme. Il y a dans sa façon d'envisager les problèmes un manque profond d'esprit religieux qui ne laisserait pas pour l'avenir, si l'avenir était en jeu, de me donner de l'inquiétude. (Il serait facile de montrer, et, je le crois, sans paradoxe, combien M. André Gide est d'esprit plus religieux que MM. Massis et Maritain.) Mais ce n'est point cet esprit religieux — cette sorte d'esprit religieux — qui nous est nécessaire ; et j'estime qu'un catholique, j'entends un vrai catholique, sans compromis à la Chateaubriand, encore moins à la Renan — j'allais écrire : à la Pascal — un catholique soucieux du maintien de sa foi et de la puissance spirituelle de sa foi, ne peut avoir — à moins de se leurrer dangereusement soi-même — d'autres attitudes et d'autres opinions que celles du néo-thomisme.

Saint Thomas, le docteur subtil, qui justifie la liberté de l'homme, et qui montre dans cette liberté l'indispensable auxiliaire de la grâce pour qui veut être sauvé est aussi nécessaire à notre foi que l'est Aristote à notre raison. Ce sont là doctrines de vie à l'opposé de ces doctrines de mort : Pascal, Luther, ou tel anti-intellectualisme moderne. Doctrines de mort, l'on m'entend bien : sans doute les angoisses d'un Pascal sont pour qui hésite de précieuses mises au point. Mais cela seulement. Pascal est de ceux qui cherchent en espérant bien ne point trouver. Pascal n'est ni un vrai catholique ni un vrai penseur. Pascal n'est pas un philosophe, et le vouloir faire tel serait d'une amusante duperie. Ce philosophe : Descartes (malgré la lourde responsabilité qui lui incombe dans notre désarroi présent). Pascal est un grand artiste, un grand lyrique en somme qui, par faiblesse — l'impossibilité où il était de sortir de lui-même ne put créer en dehors de lui des êtres vivants et dut revêtir de l'apparat de sa pensée sa vie intérieure. Il n'est pas plus philosophe que ne le fut Nietzsche. Avec tout son génie et son trouble malsain, Pascal est l'exemple type du catholique qu'il ne faut pas être.

 

Une des forces du néo-thomisme est la sûreté de son jugement. Avouerai-je pourtant qu'il y eut à mon sens chez M. Henri Massis quelque exagération à développer de M. André Gide la dangereuse figure qu'il rêva. Pour un peu, M. Gide qui n'aime point contredire ses interlocuteurs en deviendrait sincèrement dangereux. Il le devient du reste dans la mesure où, par les attaques et les adhésions qu'il suscite, le débat ainsi soulevé prend une valeur chaque jour plus grande. Ce débat qu'ouvrirent les Jugements dure encore. M. Massis sans doute ne doit point être sans regretter l'importance qu'il donna à M. André Gide, et les compromis qu'il laissa se soulever autour de ce nom. On a fort mal compris la primitive attitude de M. Massis. M. Massis prit les œuvres et la personnalité de M. Gide pour ce qu'elles étaient (ce qu'elles lui paraissaient, je le veux bien). Mais écrire soit comme le fait M. Marcel Arland : « Henri Massis dont André Gide est la seule raison de penser et d'écrire » soit, comme le fait M. André Harlaire : « Aussi bien me suis-je demandé parfois s'il (M. Massis) craignait vraiment André Gide, ou s'il ne couvrait pas plutôt de ce nom quelque ensemble à ses yeux fort damnable », me semble brouiller à plaisir les cartes. A moins que ce ne soit ici une habileté suprême. A force de vouloir prendre M. Gide comme un exemple — ce qu'il ne fut jamais il commence à se grouper et à se préciser autour de son nom, non point des idées, encore moins un corps de doctrine, mais, ce qui est peut-être infiniment plus grave, de semblables façons d'êtres, de communes réactions en face de la vie. Et voici qui est fort attachant pour ces jeunes hommes qui se cherchent. Je songe aux derniers livres de M. Marcel Arland : Etienne, La Route obscure ; à Dieu dans son Miroir encore inédit de M. André Harlaire ; à La Lumière sur nos Gestes, également inédit de M. André Desson (et à tel essai, telle phrase de M. Desson qui sont peut-être aujourd'hui les plus purs miroirs et les plus riches où se puisse regarder et juger sa génération ) : ces jeunes gens si loin de Dieu, quels efforts alarmants ne tentent-ils pas pour s'en rapprocher. Mais il leur faut tout reconstruire de leurs propres mains :

« — Vous ignorez pourquoi tout s'en va, Monsieur, reprit-il.

— En vérité, Monsieur, répondis-je, je ne le sais.

— Je vais vous l'apprendre, Monsieur, tout s'en va parce qu'il n'y a plus de morale » (2)

écrit M. André Malraux, qui fait de ce dernier interlocuteur le Diable !

Il en est d'autres encore, et ce trouble qu'ils dénoncent eux-mêmes est si perfide qu'ils cherchent mal à s'en défaire. N'en faut-il point rapprocher cet immédiat ancêtre : Anicet ? Louis Aragon qui épuisa d'un sourire le mouvement Dada, comme il épuisera sans doute le Surréalisme, et comme il s'épuisera lui-même, s'il ne réussit à épuiser auparavant le monde...

M. Marcel Arland a nommé ce trouble : le nouveau mal du siècle.

 

Dans un récent article, M. André Harlaire laissait entrevoir, à propos de l'éthique gidienne, et sur un plan supérieur de vie, de dangereuses séductions. M. André Harlaire se plaît à répéter qu’il n'a point voulu défendre André Gide, et qu'André Gide au surplus n'a nul besoin d'être défendu. Certes, et si l'article auquel je fais allusion avait été un simple plaidoyer, je ne m'en serais guère inquiété. Mais plus soucieux de se réaliser lui-même à propos d'André Gide que de défendre André Gide, M. Harlaire semble bien près parfois d'un illusoire remède. Un remède qui se trouverait dans l'excès même du mal. Le débat ouvert est en somme celui de la grandeur de l'homme et de sa faiblesse, du sens absolu ou individuel des valeurs humaines, de la raison et de l'intelligence contre un lyrisme dangereux de cette même intelligence portée à faux, surtout peut-être de la vraie vie, de la vie éternelle après la mort, et de notre vie présente.

Que M. Harlaire, qui sait par ailleurs en quelle estime je le tiens, me permette de le lui dire : il a pris la question, malgré son masque de « dangereuse sincérité » avec une secrète mauvaise foi. M. Harlaire bâtit sa dialectique sur certains postulats qu'il se garde bien d'expliciter. Voilà qui est aisé. Ce silence sur quelques vérités premières est peut-être ce qui donne à ces pages leur résonance humaine. C'est en tout cas ce qui assure leur duplicité et rend presque impossible, sur le domaine de la saine raison, qui doit être le nôtre, leur réfutation. Je ne m'attacherais point à discuter à mon tour de l'œuvre ou de la personnalité de M. Gide. Plus immédiat est cet état d'esprit qui se précise à son propos, et sans qu'il y soit en somme aussi directement mêlé qu'on veut bien nous le faire croire.

Un de ces postulats que nous cache M. Harlaire est, tel que je me suis plu à le rappeler tout à l'heure : le nouveau mal du siècle. Qui voudra plus tard en démêler les causes y trouvera entre autres l'angoisse et le cynisme de ces jeunes gens qui eurent leur enfance traversée, à l’arrière-plan, par la guerre, un étrange besoin de toujours gagner, cette ferveur, et surtout le déséquilibre qui résulte d'une absence absolue de toute règle, de toute discipline. Absence de Dieu, absence de points de repère sociaux.

Ces jeunes gens qui s’exercent pour la plupart à une lucidité aiguë le voient bien. Une phrase souvent citée de M. Marcel Arland : « Dieu, l'éternel tourment des hommes. » Mais à cette phrase ne convient-il point d'ajouter ces quelques lignes du même auteur : « Chacun des mots que j'ai risqués, chacun des gestes, c'était pour en cacher l'abîme irréparable que vous avez ouvert en moi, mon Dieu, en m'abandonnant. (3) » N'est-ce point assez net ? L'insuccès intéresse ces âmes parce qu'il est l'insuccès. Dans le premier roman de M. René Crevel, Détours, qui est un livre bien significatif, le héros Daniel cherche ce qu’il cherche. M. Harlaire use d'une plus subtile duplicité ; il s'affirme triomphant pour qu'on le croie tel, et peut-être pour paraître tel à ses propres yeux. N'écrit-il pas à propos d'André Gide : « Sans doute ne s'agit-il point à vraiment dire de fuir toute option, mais plutôt de laisser chaque instant de vie choisir pour soi. Et n'est-ce pas le signe de la grâce que de trouver ainsi la plus parfaite possession qui se puisse être ? Je veux dire la plus parfaite possibilité de possession. Car il se peut trouver une puissance plus grande dans la ferveur du désir qu'en sa banale satisfaction. Et Ménalque qui chante la béatitude n'est point allé « au delà ».

Se complaire dans une absence de but et faire d'une absence de choix, un choix... « Où tu ne peux dire tant mieux, dis tant pis, Nathanaël », suggèrent Les Nourritures Terrestres. Hélas ! pour être masquée par de brillants atours, l'œuvre de désagrégation et de dispersion internes ne s'en poursuit pas moins. Je n'aime pas les malades qui se fardent et qui font les coquets devant la mort. Un problème est posé ; où l'on s'attend aux distinctions précises, à la lutte grave acceptée et gravement poursuivie, on se heurte à des faux-fuyants, à des demi-victoires (défaites qui veulent avoir quand même le dernier mot). M. Harlaire cherche à déplacer les questions, et sous une apparence d'ordre et mesure, c'est une profonde anarchie intellectuelle (individuelle) qui se fait jour. Le droit à tous les désordres dans l'apparence fausse des contraintes. Est-il pour l'âme de piège plus perfide ? Se dire victorieux quand on est vaincu, est-il un meilleur moyen de miser à faux et de donner autour de soi confiance par de fausses richesses ? La tentation nous guette, et le tentateur sait bien que, sous les décors, il ne nous peut offrir que des mondes détruits.

Du moins me plaît mieux la franchise de M. Marcel Arland : « Peu de sentiments sont aussi violents que celui de la déchéance humaine, sinon celui de sa propre déchéance. » Et : « Les richesses du monde peuvent être mille fois plus savoureuses : ce n'est point le bonheur qui me fait défaut, mais l'appétit du bonheur. J'ai cherché désolément ma recherche, attendu une attente, désiré un désir. » (4)

Car ce mal du siècle quand il s'exprime sans affectation, quand il tâche à se saisir lui-même dans une difficile et juste simplicité ne peut que forcer l'estime. Je ne le juge point condamnable. Et qui plus est dans les désarrois sociaux et religieux que nous traversons, je ne serais pas éloigné d'y voir pour les jeunes hommes un stage nécessaire. N'est-il point une preuve de sincère angoisse et du besoin profondément ancré d'un définitif remède ? Il use, il mutile tout essai de jeu, de jeu négligent et vain. Il se devra d'échapper aux pièges tendus des indifférences. Au reste, dans cette querelle des bons et des mauvais sentiments qui mit aux prises MM. Henri Massis et Jacques Rivière, M. Marcel Arland, au cours d'une étude sur François Mauriac, se révéla soudain plus près (non par ses idées, peut-être, mais par son attitude, son point de vue) de M. Henri Massis que de M. Jacques Rivière.

Mais c'est dans la mesure seulement où il tâche à trouver son remède que nous peut intéresser le nouveau mal du siècle ; dans la mesure où il est un désordre qui prépare plus sûrement l'ordre. S'il était un désordre prêt à nous conduire à un désordre plus grand (je veux dire plus dissimulé) nous ne le saurions entourer de trop de suspicions. C'est une égale crainte et une égale méfiance que je me sens enclin à professer pour ces solutions truquées que nous tendent les mieux doués, et par suite les plus dangereux — les plus lucides, peut-être — de ces jeunes écrivains. Il est une attitude commode car elle laisse fort peu de place à une réfutation probante. Pour créer de nouvelles valeurs, M. Harlaire n'hésite point à inverser les valeurs les plus solidement acquises. Son attaque contre M. Massis est une illustration étonnante de maintes pages des Jugements.

Il faut une habileté notable et au reste une grande sûreté de pensée pour, une fois choisi un paradoxe, non point le défendre, mais le faire accepter par une façon inattendue de voir les choses, et tellement séduisante. MM. André Desson et André Harlaire, à propos de La Nuit de Gethsémani, n'hésitent point à écrire : « Ridere, et legere, et delectari, neque intelligere. » (5) Et n'est-ce pas remarquable cette ardeur commune à citer la fameuse phrase du « moine Luther » : quanto horribilior et fedior...

C'est un tel contre sens, contre sens volontaire, qui envelopperait, si nous nous y prêtions, le XVIIe siècle littéraire. Sous prétexte de faire de M. Gide un « homme classique », M. André Harlaire ferait volontiers de Racine un homme gidien. Il reproche à M. Massis de nous présenter un faux portrait de l'homme classique. De même M. André Desson qui proclamait naguère l'inquiétude apanage du classicisme, non du romantisme. Supposer aux hommes du XVIIe siècle la même angoisse que ressentent les hommes du XXe siècle est d'une argumentation facile et bien gratuite. MM. Harlaire et Desson y semblent au reste secrètement mal à l'aise. Comment ne sentiraient-ils pas l'artificiel qu'il y a à peupler bon gré mal gré d'angoisses et d'inquiétudes les tragédies raciniennes. Et c'est là le point délicat. Il n'est guère admissible de suivre M. Arland qui ne cherche à voir dans Racine que l'homme et déclare la crise morale qui suivit la cabale de Phèdre plus importante que Phèdre même. Malgré de semblables efforts, les œuvres restent. Malgré Port-Royal (malgré Pascal plutôt), Despréaux demeure. Et le grand mouvement d'idées qui domina le XVIIe siècle ne fut point le jansénisme, mais le cartésianisme. Que M. Harlaire en soit bien persuadé : Racine a placé au premier rang la raison, l'intelligence vraie, et cette clarté que nous n'avons jamais pensé, quoiqu'en dise Charles Péguy, à opposer à la profondeur. Malgré les efforts de M. Desson, Chateaubriand ou Lamartine furent plus tourmentés que La Bruyère ou Bossuet, et les suicides des Werther ne furent point des mythes. « Littérature », me criera-t-on. J'aurais quelques répugnances à nommer littérature (c'est-à-dire au sens très faux du reste où l'on se plaît à prendre aujourd'hui ce mot : artifice), ce sentiment qui livre vaincu l'homme à la mort.

Ce paradoxe (fort bien fait) qui crée en littérature une confusion propice à ses auteurs, servira encore dans la conception même de la vie qui s'ébauche et ces soucis éthiques dont on nous parle tant. Tous les efforts de M. André Harlaire dans son esquisse d'une « nouvelle table des valeurs » aboutit à ceci : la confusion du licite et de l'illicite, du bien et du mal, du temporel et de l'éternel. Carrefours étranges et à toutes les croix des chemins se rencontrent ces mêmes entités : Pascal, Luther, André Gide, Léon Chestov encore qui déforma et mutila tellement Pascal. Léon Chestov découvrit que Pascal en appelait dès cette vie au tribunal de Dieu. Ah ! que fertile peut être cette mine si l'on sait l'exploiter. M. Harlaire ne s'en fait point faute. Toutes nos actions transportées au tribunal de Dieu perdent leur sens humain et les « élus » ne peuvent point pécher. Le Port-Royal qui se donnait au XVIIe siècle tant de mal pour prouver que les « 4 propositions » n'étaient point dans Jansen serait fort surpris de ne se voir considérer par nos modernes jansénistes qu'en raison de ces propositions condamnées. La prédestination est complète (voilà un fort étrange catholicisme, et c'est en vain que je cherche par où il pourrait bien différer du calvinisme). La mort et le péché que l'Eglise catholique et romaine mit tant de siècles à circonscrire et à abattre deviennent d'enfantins (d'imaginaires) périls. « Nous qui ne pouvons faire le mal... », s'écrient MM. Desson et Harlaire. Comment avec de telles propositions se peut concilier leur catholicisme ? On reproche à M. Gide et à ses « disciples » leur complexité et leur subtilité. Quelle simplification au contraire qui confond à plaisir toutes les antinomies et qui éclaire pour combien d'heures tous les mystères.

Sont-ce là la règle et la discipline et la méthode dont nous avons besoin ? Plutôt que de telles solutions, mille fois mieux vaudrait l'angoisse sans issue et sans remède (ce qui fut le vrai Pascal).

Le nouveau mal du siècle existe, voilà qui ne saurait être mis en doute. Il a conduit M. Louis Aragon à une impasse d'où ne le pourra délivrer peut-être qu'une révolution ou une mort ; M. Marcel Arland y demeure troublé, et, autant qu'on en peut juger d'égales alternatives le sollicitent. MM. Harlaire et Desson s'efforcent chaque jour plus complètement vers de faux triomphes. Quelle démoniaque église, et militante, et souffrante, et triomphante !

Ce bilan : toute foi abolie et soumise à la discussion ; les domaines de la foi et de la raison confondus ; la raison niée au nom de la foi, et les règles sociales haïes au nom de la raison.

Cependant, M. Maritain montre la voie possible à un renouveau de l'intelligence et de la raison. Son mérite irremplaçable sera d'avoir prouvé combien actuelles demeuraient certaines formes d'esprits que l'on croyait si périmées. On a vu sans espoir notre déséquilibre et notre angoisse. Mais à qui veut retrouver enfin cette notion d'homme depuis plus d'un siècle perdue, la pensée d'Aristote et la pensée de saint Thomas d'Aquin seront de merveilleuses clefs. La serrure est depuis longtemps faussée certes. Le succès de l'éthique gidienne, de ces éthiques gidiennes plutôt, le prouve du reste. Où s'arrêtera ce goût de renverser toute notion et d'offrir de chaque problème une solution en dehors des questions posées ? Cette inquiétude qui étreint les jeunes hommes d'aujourd'hui, il est temps que de définitives et d'absolues contraintes la viennent calmer. Le parti de l'intelligence est peut-être notre dernière chance de salut, la seule.

Ah ! ce n'est point de sa complexité que vient la séduction de M. Gide. Et c'est bien plutôt son étonnante simplicité où les choses de la chair et les choses de l'esprit sont dangereusement brouillées qui ne laisse pas, avec insistance, de me causer quelque effroi.

 

(1)   En réponse à un article de M. André Harlaire : André Gide et Henri Massis ou la nouvelle table des valeurs. Vie des Lettres et des Arts, n. XVII.

(2)   Accords, n. 3-4.

(3)   La Route obscure (N.R.F., éd.).

(4)   La Route obscure (N.R.F.).

(5)   Accords, n. 3-4.

 

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