Le Figaro
7 août 1920 Anonyme
Appelé par son ministère à assister
une pauvresse agonisante, le pasteur d'un village suisse des environs
de la Chaux-de-Fond, rencontre chez elle une jeune aveugle-née dont
le complet dénuement excite sa pitié et qu'il recueille par charité chrétienne.
Sa femme Amélie, bien que ses cinq enfants ne lui laissent guère de
loisirs, lui donne quelques soins matériels et le pasteur entreprend
de l'instruire. Cœur vierge et simple d'esprit, Gertrude en effet,
ignore tout de la vie ; peu à peu elle commence à comprendre les
mots dont le bon pasteur lui explique le sens, son intelligence lentement
s'entrouvre à la lumière que ses yeux ne connaissent pas. Elle s'épanouira
néanmoins, tant la patience du maître est douce et tenace. En écoutant les sons qu'émettent
les instruments de musique, et qui évoquent des couleurs, l'aveugle
parviendra à se représenter les aspects de la nature : une audition
de la Symphonie pastorale sera pour elle comme une révélation. Dans son admiration pour l’angélique
innocence de Gertrude, le pasteur, cependant, ne discerne pas le sentiment
secret qui s'empare de son cœur. Lorsqu'il apprendra que son fils Jacques
s'est épris de la jeune fille, il tentera même de se persuader à lui-même
que sa conscience seule lui ordonne de s'opposer à ce mariage. Dans
sa jalousie, il querellera même son fils sur sa doctrine religieuse
et il lui reprochera d'incliner au dogmatisme et au traditionalisme. Ce drame d'une si profonde et émouvante
beauté se dénoue tragiquement. Gertrude, opérée à Lausanne recouvre
la vue. Mais elle croyait
aimer le pasteur, et lorsque ses yeux voient Jacques, elle comprend
que c'est lui qu'elle aime. Le voile du bonheur pourtant est déchiré pour
elle. Après s'être convertie avec Jacques au catholicisme, Gertrude
préfère la mort au désespoir de ses bienfaiteurs ; elle tente
de se noyer et succombe à la maladie entraînée par sa tentative de
suicide.
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