Combat
décembre 1936
P. Forgeron
André Gide donne, avec Geneviève, la suite de L'École des Femmes et de Robert. Geneviève a quinze ans — dix-sept
ans à peine, à la fin du récit. Des l'abord, l'auteur nous la montre
en face de ses parents : méprisant Robert, adorant sa mère. Ensuite,
il peint l'éveil de la puberté, les sentiments nouveaux — pour la première
fois passionnés — qu'elle subit sans pouvoir leur donner un nom, sans
discerner leur nature. D'une flambée de quelques mois pour une amie
de classe, Geneviève va sortir mûrie, un peu durcie, plus audacieuse,
soudain lucide. Sa confidence se termine au moment où elle devine,
bien plus qu'elle ne l'apprend, le secret de sa mère. On retrouve dans ce petit livre
la séduction de Paludes et du Prométhée mal enchaîné :
l'art de la nuance, les ébauches de propositions, le refus de conclure,
et la pureté. Ce style est un prodige : avec
les mots les plus simples, les plus quotidiens, par le moyen de phrases
dépouillées de toute recherche de construction, arriver à exprimer,
non seulement le moment ou le fait dans son actualité, mais encore
l'atmosphère qu'il crée, le sens qu'il possède et les conséquences
qu'il entraîne. Deux choses, à première vue, semblent
permettre tant d'abondance intérieure : l’une, c'est que toute
affirmation est suivie, parfois même précédée, de sa concession ou
de sa négation ; l'autre est une tendance à l'abandon qui ne se
résout ni à formuler, ni à déterminer, ni à choisir. Dans Geneviève,
c'est l'homme du non-choix, l'homme de l'évasion et de l'équivoque
qui revit.
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