La Connaissance
novembre 1920
Marcel Duflos
[…] André Gide, un grand écrivain manqué, lit-on
dans l’Athenœum, « Intelligent, subtil, plein d'imagination,
styliste possédant un sens réel de la beauté des mots, M. Gide est
tout ce qu'un auteur peut désirer, mais il n'atteint pas à la grandeur.
Il lui manque quelque chose, une qualité qui synthétiserait et rendrait
effectives toutes les qualités qu'il possède déjà. Mais qu'est-ce qui
fait de M. Gide un grand auteur manqué ? C'est certainement une
insuffisance de vie, ou pour parler d'une façon plus brutale et plus
expressive, d’« estomac ». A un moment ou à un autre de sa
carrière littéraire, M. Gide s'est trouvé aux prises avec tous les
problèmes spirituels d'une importance réelle et fondamentale ;
mais il les a effleurés trop délicatement, du bout des doigts, pour
ainsi dire. Jamais il ne s'est approché, pour leur livrer bataille,
des anges ou des démons qu'il a rencontrés sur sa route. Il n'est presque
aucun de ses livres que l'on ne ferme avec un sentiment de mécontentement
qui triomphe sans contredit, de tous les plaisirs qu'il laisse. »
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