Marianne Janvier
1933
[Anonyme]
Tortonisme
et bolchevisme
M. Fernand Vanderem affecte de voir
une contradiction dans le fait que M. André Gide, après s’être
« converti an communisme » (l’expression n’est pas de Gide),
publie maintenant ses Œuvres complètes. Car, objecte M. Vanderem,
ses Œuvres complètes rapporteront sans doute des droits d'auteur… à un
vrai communiste. « Le bolchevisme est désormais une opinion à la
portée de toutes les bourses, même les mieux garnies » conclut avec
satisfaction cet éminent critique.
Cette sorte d'argument n'est ni très
plaisante ni très probante. Si M. Gide ne trouvait ni éditeur ni acheteur
pour les Œuvres complètes, il est clair que M. Vanderem imputerait au
dépit sa « conversion au communisme » et ne croirait pas davantage
à la sincérité d'une opinion qui le gêne. Par ailleurs, nous voyons que
M. Vanderem, dont personne ne se propose d'éditer les œuvres complètes,
ne se convertît quand même pas au communisme. Alors ? Il faut admettre
que les idées ne sont pas uniquement conditionnées par les « bourses
plus ou moins bien garnies ».
Ce marxisme un peu primaire convient
assez mal à M. Vanderem. Il fait penser aux gens qui reprochaient avec
tant d’amertume à Jaurès « son château ». Et à bien d'autres
sottises. M. Vanderem parle toujours très pertinemment des choses petites.
Mais il en est sur lesquelles l’esprit de Tortoni, le souvenir de Paul
Hervieu et le monocle d’Aurélien Scholl demeure complètement dépourvu
d’efficace. |