La Revue des Journaux et des Livres


16 au 23 mai 1891

A. Charpentier

 

Quel qu’il soit, cet André Walter est quelqu’un ; ses cahiers le prouvent. Ce sont les pensées au jour le jour d’un cerveau en lequel les Joies et les Douleurs vivraient trop aigûment, sous la secousse d’un premier amour d’une toute-puissance dévastatrice. Nous sommes loin des mélancolies et des souffrances lentes de Paul à sa séparation d’avec Virginie. Chez André, l’âme désemparée s’engouffre avec la volupté que donne le vertige dans les ciels de tous les infinis ; et sa pensée, vagabonde mouillée par les pluies des orages ou brûlée par les soleils des calmes midis, sa pensée ruisselle et fume encore de sa course à travers les au-delà défendus : au-delà du bonheur, d’où le cahier blanc : au-delà de la Douleur, d’où le cahier noir.
Ce livre, je le répète, est curieux par sa forme et son fond ; s’il est, ainsi que je le pense, le début littéraire d’un jeune auteur, dont la modestie s’est dérobée derrière l’anonymat, je salue avec plaisir l’aurore d’un talent incontestable.