Entretiens Politiques et Littéraires
Juillet 1892
Francis Viellé-Griffin
Chez M. André Gide tout, hors le subterfuge d’une
mort, prématurée vraiment, appelle notre sympathie, car cette mort
est seule responsable de ce qui nous plairait moins dans ses vers.
Le regard intime de M. Gide va loin et sa parole nous invite plutôt
à suivre son regard qu’à écouter la description de ses horizons :
« Il a dû se passer quelque chose Pendant que nous dormions et que nous
n'avons pas bien compris. On s'ennuie à mourir ici ! Ah ! quand reviendront les métempsycoses ? Nous avons dû nous tromper de route Quelque part, et les autres ne nous ont pas avertis. Nous sommes sortis des saisons, écoute ! Et nous vivons, ma chère, des heures indues… Où sont donc allés tous les autres ? Ils ont dû suivre quelque apôtre, Qui les aura guidés sans doute A travers les tournants des routes. Ils auront retrouvé les normales paroles Qu'on nous avait dites un soir, Mais que nos cervelles folles Ont laissé négligemment choir. »
Presque tout
est délicieusement pensé et senti dans cette plaquette :
« Je sais qu'une âme implique un
geste D'où vibre une sonorité Qu'harmonieusement atteste La très adéquate clarté. Un paysage s'exagère Au gré de ses intentions Et une rythmique atmosphère Unit cette âme à l'horizon. Mais je ne sais pourquoi notre âme débile
erre Sous des ciels neufs et qu'elle n'a pas
choisis Et parmi des campagnes autoritaires Où nous n'osons que des gestes soumis. Alors, puisque nous n'avons plus de force Et que le paysage est vainqueur... Au moins je voudrais qu'il emporte Des victoires selon nos cœurs. Et
je cherche un champ de soleil Où
tu doives me dire : « Je t'aime. » — Mais
seule la lune éclaire la plaine Toujours d'une pâleur pareille. »
Les
Poésies, d’André Walter. —Bailly, éd.
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