Polybiblion

 

[Anonyme]

 

André Walter a-t-il existé ? On n’en doute pas, en lisant la préface de ses Cahiers — dans laquelle il est dit ceci : André naquit en Bretagne le 20 décembre 1870 d'un père de race saxonne et d'une mère originaire du pays de Cornouailles ; il aima très chastement une jeune fille, Emmanuèle; sa mère lui défendit de l'épouser; la jeune fille en mourut ; lui devint fou et mourut aussi en pleine crise de vie morale. Mais il paraît que ce Walter est un mythe. M. Charles Maurras nous apprend que les Cahiers publiés sous son nom sont l'œuvre d'un tout jeune homme, M. André Gide. Tant pis ! On s'intéressait vraiment aux luttes d'une âme, travaillée d'un côté par une passion qu'elle n'osait « appeler amour, » hantée de l'autre par « l'idéal chrétien de la pureté. » On suivait pas à pas l’ « intense culture de cette intelligence, » la « mobilité inquiète et songeuse » de cet esprit qui se nourrit de la Bible, de l'Imitation, de Schopenhauer, de Paul Verlaine, et dont les productions contiennent à la fois du bon blé, des épis rares, de l'ivraie, des folles herbes. Du moment que ce n'est plus sincère, le charme est rompu. Il nous reste à constater que M. André Gide a lu les poètes et les philosophes, et qu'il a su se les assimiler avec beaucoup d'art. Il lui revient aussi le mérite d'avoir su encadrer le gracieux pastel d'Emmanuèle au milieu de toutes ces songeries imprécises, de toutes ces mélancoliques aspirations.