La Jeune Belgique
juillet 1891
Eugène Demolder
Partis de sable et d'argent, Les
Cahiers d'André Walter sont loin d'être un banal assemblage de notes,
et plus d'une âme affinée s'y reconnaîtra « as in a glass which shows
us many more ». Ils nous font pénétrer les nostalgies d'une jeunesse
pensive, cherchant dans l'amour une idéale sœur jumelle et s'étiolant
lentement lorsque celle-ci lui retire son sourire. Cette pureté d'intentions
transfigure les choses du dehors — au point que tels paysages du livre
sont baignés d'une suavité on croirait angélique. La vie ici se fait effleurante
comme un rêve et la tristesse, voire la mort, y sont encore le bonheur.
Au surplus, ces Cahiers se
tiennent à l’écart de toute littérature et, voyez, rien n'y perce qui
puisse s'appeler ainsi. Telles sensations y sont indiquées avec une finesse
juvénile et profonde rappelant ça et là le faire de M. Francis Poictevin
— encore que celui-ci soit foncièrement plus volontaire et moins troublant.
Seulement, à côté de ces justes éloges,
des critiques s'imposent. Le volume nous est donné comme « posthume
» ; or, maints détails font douter qu'il en soit réellement ainsi et l'on
se demande alors si on ne lit pas une sorte de roman inachevé. Nous regretterons
de même, avec d'autres, la fréquence des citations, au lieu desquelles
nous eussions préféré connaître le seul sentiment de l'auteur. Mais ces
remarques sont plutôt secondaires et de toutes façons, Les Cahiers
d'André Walter peuvent être rangés parmi les rares volumes où les
intelligents retrouveront toujours un peu de souvenir, un peu de prime
jeunesse et de premier amour.
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