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15 août 1929

L. M. Brest

 

  Loin du tintamarre soulevé par les œuvres psychophysiologiques, et plus bourbeuses que vraies, M. Gide s'est obstiné sans effort, avec prudence et maîtrise, sur un cas de pure conscience. Une jeune fille, un peu provinciale d'allure, tombe d'admiration devant les aphorismes d'un homme moral, sans trop d'emphase et intelligence. Devenue femme, ayant enfin appris que l'existence doit se vivre et non se rêver, elle retrouve son mari tel qu'il est, et surtout doit le paraître devant les autres : un manuel de morale en habit bien coupé. Cette déconvenue est si forte qu'elle la mène, au milieu d'un état de désespérance muette, mais si invincible, que celle-ci songe et s'efforce à une sorte de divorce. Dans cette école des femmes, il n'y a guère autre chose comme matière.

  Mais quel art ! C'est peut-être avec cette œuvre que Gide s'est enfin révélé comme un romancier de grande envergure, parce qu'enfin très tranquillement objectif. Sans doute, n'avons-nous pas à faire à un roman, genre Alexandre Dumas père, ainsi que le désirait son ami Rivière, ou d'une inspiration dortoiesohienne, but que lui montrait avec ironie un Massis. Mais, c'est un roman, et un roman nettement gidien. Ceci n'est pas une lapalissade, car enfin, avec l'auteur des Nourritures terrestres, il faut s'attendre à du nouveau, qui, pour être marqué du sceau, n'en demeure pas moins, étrangement, que l'on me passe l'expression : frais. D'une part, dans cette œuvre, ce revêt ce désir d'une stabilité enfin trouvée, pour aussitôt la fuir, cet ennui de vivre avec sa personnalité, parce que figure arrêtée, cette glorification du départ, en tant que tel, et d'un autre côté, l'opposition de l'avant guerre à l'après guerre, de la jeune fille à la femme, réalités qui exigent du créateur l'esprit le plus dépouillé, une analyse entièrement indépendante, sortant fortes, du jeu des nuances entre elles. Car, en dernière recherche, cette oeuvre est plus importante, parce qu'elle cache et laisse soupçonner, que parce qu'elle énonce en toute lumière. Or, ceci n’est ni plus ni moins que la caractéristique des œuvres de génie.