Bulletin Alliance France-Hollande

 

septembre 1929

Etienne Guilhou

 

L’École des Femmes. N.R.F., 1 vol. 9 fr.

 

Ce petit livre est de ceux dont il faut recommander vivement la lecture. Son titre évoque un chef-d'œuvre classique et impose une comparaison périlleuse, qui d'ailleurs ne tourne en aucune façon à la confusion de M. A. Gide. On ne saurait en effet mieux qualifier ce roman d'analyse qu'en l'appelant classique. Il faut être un grand écrivain et un profond psychologue pour arriver à cette pureté admirable du récit, à cette limpidité qui ravit, et surtout pour donner à des êtres imaginaires une âme si nuancée, si complexe, et d'une humanité si générale à la fois. Cela est simple, uni, modeste, on a l'impression — trompeuse — d'une facilité extrême, d'un divertissement qui n'exigea aucun effort. Et pourtant on n'épuise pas vite la richesse de ce bref ouvrage. Le sujet ? Une femme écrit son journal ; elle va se marier, elle se marie avec un homme qu'elle admire passionnément, et que nous devinons assez médiocre, en perpétuelle représentation devant les autres et devant lui-même. Vingt ans après, elle reprend ce journal, abandonné à la suite d'une première désillusion très significative ; entre temps, elle est passée de l'admiration au dégoût, elle pleure son idéal saccagé, son besoin d'absolu et de franchise irrémédiablement déçu ; elle cherche une mort qui n'est qu'un suicide déguisé. Elle n'a pas cependant de griefs précis ; mais son mari, que nous ne connaissons pourtant qu'à travers elle, comme l'image renvoyée par une glace d'un objet invisible pour nous, est tel que nous comprenons le désarroi de cette malheureuse comme s'il était nôtre.