Action Française

30 mai 1929 

[Anonyme]

 

Il faut croire que les lauriers de M. Abel Hermant ont empêché M. André Gide de dormir. Aussi trouve-t-on dans son dernier livre des remarques dignes de... Lancelot. Page 69, M. André Gide nous apprend, sur un ton professoral, que rien n’irrite plus l’un des héros de son roman que l’emploi de « très » devant les mots qui ne comportent pas le comparatif. Il donne même des exemples, tout comme M. Abel Hermant...

Un peu plus loin, M. Gide soutient également qu’il ne faut pas dire « très fâché », encore que « fâché » ne soit pas un substantif, ni d’ailleurs un adjectif, et il ajoute victorieusement que « ce doit être le rôle des femmes de maintenir la pureté de la langue, parce qu’elles sont en général plus conservatrices que les hommes et qu’en négligeant leur parler, elles manquent à un de leurs devoirs. »

 

Il est singulièrement réconfortant de voir M. André Gide prendre ainsi la défense de la langue et de la grammaire françaises, ne fût-ce que contre certains de ses amis qui continuent de les ignorer, l’une et l’autre... Ne fût-ce aussi contre lui-même. Car, faut-il, hélas ! l’avouer? M. André Gide a parfois brûlé ce qu'il dit aujourd’hui adorer...

Bien mieux, il récidive cent pages après ce charmant petit cours grammatical. M. Gide se laisse malheureusement emporter par l'Erreur, et il écrit (pages 150-151) :

Je voudrais, Robert, que tu me dises, si tu souviens encore, pour quelles raisons que tu m'as épousée...

C'est un fait, M. André Gide n'aura plus l’oreille de M. Abel Hermant. Ce n’est pas tout que d’enseigner : il faut savoir soi-même. Mais, au reste, quelle étrange façon de parler ont les mondaines de M. Gide !