Ère nouvelle


3 janvier 1922

[Anonyme]

Les Revues

     Contre M. Henri Massis qui l’attaqua dans la Revue Universelle, M. François Mauriac prend la défense de M. André Gide, dans L’Université de Paris. Et son article serait tout entier à citer. Bornons-nous, s’il se peut, à en donner quelques passages.
M. Massis a reproché à M. Gide de n’avoir voulu exprimer que sa jeunesse « sans souci d’exprimer rien d’autre et ne souhaitant que de l’exprimer mieux ».

Et M. Mauriac de rétorquer :

    « A ce goût de la perfection, à ce scrupule, accordons une valeur même morale. Un livre de Gide nous est une leçon de mesure, de renoncement, — renoncement formel mais qui intéresse aussi le cœur. Apprenons de lui le refus des succès faciles et cette dignité de l'écrivain qui est, Massis, une éminente vertu. »

Et plus loin :

    « Une pratique plus ancienne du catholicisme vous aurait révélé le secret de Gide. Il dut être de ces enfants dont on dit dans nos familles chrétiennes : il a la vocation. Car cet homme si ondoyant fut toujours la proie d'une fixe passion : agir sur les jeunes cœurs. A ce signe reconnaissons l'homme prédestiné à l'apostolat. Mais, né hors du bercail, que ferait-il de ce redoutable don ? Il joue, il s’en divertit. Ce don lui devient une fin en soi. N'empêche que son œuvre rend témoignage… »

Et enfin :

     « …Gide démoniaque ? Ah ! moins sans doute que tel ou tel écrivain bien pensant qui exploite avec méthode l'immense troupeau de lecteurs et surtout de lectrices « dirigées », — et pas plus que Socrate, accusé de corrompre la jeunesse parce qu’elle apprenait de lui à se connaître. Il me souvient d'avoir entendu Gide défendre le Christ contre Valéry, avec une étrange passion : attendons le jugement de Dieu. »