L’Intransigeant

Les Treize

27 novembre 1921

    Morceaux choisis, d’André Gide (Nouvelle revue française, édit.) — En épigraphe : « Les extrêmes me touchent ». Il serait sans doute plus exact de dire « me heurtent ».


    Ce volume contient des pages extraites de la plupart des livres de M. Gide. Une part importante a été réservée aux livres de critique. Des autres œuvres c’est surtout les passages de critique intellectuelle et morale qui ont été choisis. Il paraît donc que c’est surtout comme critique que M. André Gide veut se présenter aux yeux du lecteur.


    Critique, M. André Gide l’est surtout de lui-même et bien moins de ses idées que de sa nature profonde. Il a un désir très vif de la liberté intellectuelle, de la vérité. Il aime le rayonnement d’une belle activité mentale, la riche diversité des idées, les analyses et les dissociations. Il en attendrait volontiers de la joie, de l’allégresse. Il a d’ailleurs des élans vers elles et des désirs qui partent bien, mais retombent : « trop protestant, trop janséniste », dit-il. Et l’esprit a mordu sur le cœur, comme un acide, et a mordu sur lui-même aussi, non moins corrosif et destructeur. Et quelles luttes il livre contre ses préjugés moraux ! Et quels bons tours il leur joue en en prenant le contre-pied pour que, de cette manière au moins, les extrêmes le touchent ! Et comme il le dit bien lui-même parlant d’un livre, Manon Lescaut : « S’il touchait d’abord mon esprit, je lui permettrais plus volontiers de toucher aussi bien mon cœur. »